9. Vivre et laisser mourir

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« Hé, Gandía, lança soudain Tokyo d'une voix mielleuse. Ça va mon chou, je t'ai pas trop manqué ? »

Cette intervention poussa Reykjavik à tourner de nouveau la tête en direction de Gandía. La blonde aux yeux gris le savait, c'était de la curiosité malsaine que de prêter attention si soudainement à la situation, mais elle n'allait pas faire semblant de ne pas s'intéresser à ce qui risquait de se passer ; Gandía ne méritait de toute façon pas le respect particulier dont on pouvait faire usage en laissant à quelqu'un espace et intimité.

Lentement, Sagasta secoua la tête en regardant Gandía : il ne fallait pas répondre, le commando avait l'avantage, et tout ce que pourraient faire les braqueurs serait dans le but de le récupérer.

Mais Gandía ne pouvait pas s'en empêcher.

« Juste quand vient la nuit », répliqua-t-il alors.

Reykjavik ne put se retenir de lever les yeux au ciel en entendant sa réponse : tout ça pour répondre ça, ça ne valait pas le coup d'ouvrir la bouche, si ?

« Mais t'es pas revenu pour moi, fit Tokyo. T'es revenu parce que dehors tu savais que t'étais un traître. T'as fait alliance avec les braqueurs avec le talkie-walkie, t'as menti aux renseignements, et grâce à toi Lisbonne nous a rejoints. »

Les deux militaires chargés de percer le mur du sellier avaient cessé leur travail et s'étaient approchés, intrigués. Gandía bouillonnait déjà, ça se voyait, et il échangea un regard avec Arteche. Il était déjà pris au piège, les accusations de Tokyo le touchaient plus qu'elles n'auraient dû.

« T'es revenu parce que t'as pas eu les couilles de refoutre les pieds chez toi, de regarder ta femme et ton fils dans les yeux, poursuivit Tokyo.

— T'as intérêt à la fermer, saleté, parce que je vais entrer et te laver la bouche avec du savon si tu parles de ma famille.

— Non. Ce qu'il s'est passé, c'est qu'ils t'ont vu sortir vivant à la télé, reprit la brune depuis la cuisine. Ils devaient être fous de joie, ils ont dû pleurer et se prendre dans les bras. Ils pensaient que tu allais les rejoindre pour le dîner. Mais non ! Tu les as même pas appelés, pas vrai ? C'est sûr, qu'est-ce que tu leur aurais dit ? J'ai exécuté une femme sans défenses ? Et ensuite j'ai trahi mon camp parce que je suis un putain de lâche ?

— Gandía, restez calme, intervint Sagasta, main gauche levée doucement dans un geste qui se voulait apaisant.

— Juanito, mon garçon, tu sais quoi ? chantonna presque Tokyo. Papa est une sombre merde. Pourquoi ? Parce que je préfère risquer de me faire tuer que de te lire une histoire le soir. »

Gandía commençait vraiment à péter les plombs. Les traits crispés de colère, il attrapa une grenade à sa ceinture.

« Qu'est-ce que tu fais ?! tenta de l'arrêter Arteche.

— Capitaine, stop. Vous m'entendez ? », fit le commandant de l'autre côté du couloir.

Mais Gandía retirait déjà la goupille de sécurité avec ses dents. Reykjavik se redressa tout à fait lorsqu'elle prit conscience que Gandía ne reculerait plus. Le souffle presque coupé, elle le regarda cracher par terre la goupille de la grenade.

« Et dis à maman...

— Capitaine, c'est un ordre ! hurla Sagasta.

— Que si je rentre tard le soir c'est parce que j'ai pas envie de la baiser. »

Gandía pivota et s'engagea dans le couloir en tirant vers la cuisine, la grenade dégoupillée serrée dans sa main gauche pour maintenir le levier en place et retarder le départ du compte à rebours. Sagasta l'appela deux fois de plus, mais Gandía n'entendait plus, et le commandant couvrit Gandía de son mieux tout en criant pour essayer de le ramener à la raison.

Une Partie de Loups-garous dans la banque d'Espagne - La Casa de PapelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant