chapitre 7

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« Tout en lui m'énerve. Son sourire m'énerve. Je déteste son rire chaleureux qui me rappelle un bonheur à jamais perdu, je déteste cette sensation inconnue qui me traverse tout entier à chaque fois que je l'entend chanter, je déteste sentir mon cœur accélérer ses battements lorsqu'il sourit stupidement. Je le hais vraiment, ce crétin blond, cet imbécile insignifiant. Mais ce que je déteste le plus chez lui, c'est sa façon de m'ignorer. »

D'un œil absent, Harry relut le texte qu'il venait de griffonner hasardement. Ses yeux s'attardèrent sur la dernière phrase et un frisson désagréable hérissa toute la surface de sa peau. Niall ne lui avait plus adressé la parole depuis leur dernière répétition. À la chorale, le blond le niait superbement, ne lui jetant pas le moindre regard, ne réagissant même pas à ses piques parfois odieuses. Même si Harry n'approuvait pas cette méthode, se montrer désagréable avec Niall était un moyen d'attirer son attention. Mais désormais, le blond semblait se ficher éperdument de lui. Il était devenu comme les autres : indifférent.

Dans un geste furieux, il emprisonna la page noircie d'encre entre son pouce et son index avec la ferme intention de la déchirer, de la mutiler, d'effacer cette douleur lancinante que ce crétin blond engendrait en lui. Harry se ravisa tout aussi vite lorsque ses orbes s'arrêtèrent une nouvelle fois sur le texte et sur un mot en particulier : imbécile. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il se remémorait la mine mécontente se peignant sur le visage de Niall à chaque fois qu'il le surnommait de cette façon. Imbécile. Il ne pouvait pas déchirer ce mot.

Qu'est-ce qu'il pouvait le détester, cet imbécile !

Il détestait cette salve de sentiments contradictoires qu'il faisait naître au plus profond de son cœur. Un mélange de colère et de douceur prenait possession de son âme à chaque fois qu'il croisait ce regard aux multiples nuances cobalt et il se sentait défaillir dès qu'il le voyait sourire. Il abhorrait carrément cette impression de légèreté et de liberté déferlant en lui comme une cascade dès que Niall dévoilait son talent musical. À ses côtés, malgré les regards méprisants et les nombreuses remarques désobligeantes dont il faisait l'objet, Harry se sentait faible, vulnérable. Et ça, il ne le supportait pas.

Soudain, le verrou de la porte de métal bleu cliqueta dans un bruit discret et Harry s'empressa de cacher son cahier sous le matelas. Avec un large sourire aux lèvres, Ian pénétra dans la petite chambre qu'il balaya d'un bref regard.

- Harry, nous sommes mardi aujourd'hui, dit-il, tu sais ce que ça signifie ?

- Séance avec madame Vince, répondit laconiquement l'adolescent.

- C'est ça !

Ian continuait de sourire béatement et Harry se retint d'éclater de rire. Sourire de cette manière n'allait pas du tout à cet homme réputé pour son extrême rigidité. Depuis quand Ian Mills se montrait-il souriant d'ailleurs ? Tout en suivant ses pas dans le long couloir menant au bureau d'Andrea Vince, Harry s'amusa à imaginer divers scénarios risibles et grotesques.

Il songea d'abord que Ian avait certainement dû rencontrer quelqu'un mais se ravisa immédiatement lorsqu'il le surprit en train de reluquer sans pudeur le postérieur d'une des cuisinières du centre. Ian était bien trop conformiste et soucieux des règles pour tromper son conjoint ou sa conjointe. Ensuite, l'idée saugrenue qu'il pouvait avoir gagné à l'Euromillions le fit ricaner mais son esprit rationnel se manifesta rapidement, argumentant que si Ian Mills avait gagné le gros lot, il ne s'embêterait certainement pas à s'occuper de jeunes délinquants. Finalement, tandis qu'ils s'arrêtaient devant la porte en bois de chêne de Grave Vince, Harry opta pour l'ultime explication qu'il envisageait : Ian Mills était tout simplement heureux. En ignorant les gloussements d'Harry, Ian toqua à la porte. La voix douce d'Andrea leur permit d'entrer.

REINTEGRATION PROGRAM » narryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant