chapitre 9

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À l'approche du mois de septembre, une effervescence hors du commun s'accaparait l'école de musique. Dans la salle de spectacle, les sons des guitares se mêlaient à ceux des basses. Des corps agiles et souples dessinaient des figures harmonieuses dans les airs, traçaient des courbes invisibles sur le parquet noir de la scène. Des voix s'élevaient, puissantes et mutines, rauques ou aiguës, donnant lieu à un concert improvisé. Si la plupart des artistes s'entraînaient, d'autres se mettaient d'accord sur les costumes qu'ils porteraient lors du spectacle. Les professeurs se montraient plus exigeants que jamais, tyrannisant leurs élèves, les poussant dans leurs derniers retranchements artistiques.

Un désordre inhabituel régnait dans la salle : des costumes de toutes les couleurs et de tous les genres gisaient sur le sol, des amplis et des instruments de musique se retrouvaient sans propriétaire, isolés dans un coin de la salle. Les strapontins de moleskine rouge supportaient le poids des danseuses occupées à mutiler le plancher de leurs ballerines. Quelques parents étaient présents, aidant les responsables de la décoration à installer leurs créations aux quatre coins de la pièce. L'agitation était telle qu'on se serait cru à l'intérieur d'une fourmilière.

Harry. fit des yeux ronds, surpris de voir autant de monde. Habitué à ne fréquenter que le local de chant, il n'aurait jamais imaginé qu'il puisse y avoir autant de musiciens et de danseurs au sein de cette école artistique. Tous étaient là, certains se perdant dans les vibrations de leur précieux instrument, d'autres s'oubliant quelques instants dans la grâce de la danse. Kayla, Séréna et Edward chauffaient leur voix, nullement perturbés par l'agitation régnant autour d'eux.

Dans la pièce planait une atmosphère réconfortante, rassurante, une ambiance de sécurité. Sur les visages des jeunes artistes s'affichait un sourire lumineux, tendre, confiant. Certains sourires se faisaient plus timides comme par exemple celui de cette jeune fille prénommée Daisy, occupée à dévorer du regard l'un des danseurs répondant au nom de Petter. Des rires perçaient les murs de la salle de spectacle, des rires teintés de joie, des rires sur lesquels s'élevaient parfois quelques notes cristallines.

Il n'y avait ni colère ni haine sur cette scène d'un noir luisant où tous exhibaient leur passion, dévoilaient leur talent, tentaient de parfaire leur travail. Harry en fut presque étonné. Visiblement, il existait encore des endroits où les jeunes ne se détruisaient pas l'un l'autre, où ils n'avaient pas besoin de se droguer, de boire à n'en plus finir ou de rabaisser leurs camarades pour se sentir vivants. Eux, ils avaient la musique et l'amitié. Ils n'avaient besoin de rien d'autre pour se sentir entiers. Il existait un large fossé entre le centre IPPJ et l'école de musique et de danse. Harry aimait cet endroit à un point que lui-même n'imaginait pas. Lorsqu'il se rendait à l'académie de chant, il se sentait revivre, renaître, heureux de s'immerger de nouveau dans un monde qui n'appartenait qu'à lui. Un peu comme si, au centre IPPJ, il était continuellement en apnée et qu'une fois à l'école de chant, il parvenait enfin à respirer. Respirer à pleins poumons.

Avec un manque de délicatesse qui lui était propre, Niall frappa le dos d'Harry, l'arrachant de ses rêveries. Un léger sourire s'arqua sur les lèvres du brun et pour la première fois depuis des années, il se sentit chez lui. D'un signe de tête, Niall l'intima à le suivre. Harry obéit sans hésiter une seconde.

- Je vais te présenter aux autres membres de l'école, proposa Niall, eux aussi participent au spectacle. Il y a les musiciens qui vont accompagner nos chansons et les danseurs qui vont... ben danser.

- Tu me prends pour un imbécile, crétin? répondit Harry.

-Moi ? Je n'oserais pas.

En ricanant, Harry lui donna un coup de poing sur l'épaule, geste auquel Niall répondit en ébouriffant ses cheveux bouclés. Le décoiffer était devenu le passe-temps favori du crétin : il s'écoulait rarement une heure sans qu'il ne malmène sa chevelure auburn . Même s'il râlait au contact de la main de Niall sur son crâne, Harry appréciait ce toucher délicat, affectif. Il comprenait enfin le sens du mot « ami ». Niall était son ami, son unique ami, le seul qu'il n'eut jamais connu.

REINTEGRATION PROGRAM » narryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant