chapitre 11

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Le vent était froid en cet après-midi de septembre. D'épais nuages gris opacifiaient le ciel d'été, le rendant maussade et menaçant. Au loin, le murmure de l'orage se faisait entendre et quelques éclairs perçaient la masse cotonneuse et grise. Peu de gens se risquaient à mettre un pied dehors en vue de la pluie torrentielle qui ne tarderait pas à s'abattre sur Londres.

Le cimetière situé à l'écart du centre-ville était presque désert. Seul un nombre restreint de personnes déposaient des bouquets de fleurs aux couleurs pimpantes sur les pierres de marbre, comme pour leur redonner un peu de vie. Assit face à la tombe de Bobby, Niall lui parlait de choses et d'autres. Depuis quelques minutes déjà, il discutait sans relâche d'un sujet de conversation particulier qu'il ne parvenait à aborder avec personne, pas même avec Séréna qui était pourtant son amie la plus proche. Dans sa bouche revenait sans cesse le même prénom. Harry.

Harry et ses mystères. Harry et ses grands rêves et ses belles illusions. Harry et sa voix merveilleuse. Harry aux pupilles dénuées de fond. Harry et sa sensibilité grossièrement dissimulée. Harry et sa fierté mal placée. Harry et son ego démesuré. Harry et son sourire étincelant. Harry et son rire aux notes cristallines. Harry et sa susceptibilité enfantine. Harry et ses taquineries immatures. Harry et ses interminables silences. Harry et ses « crétin ». Harry et sa main dans ses cheveux. Harry... Harry...

Harry et lui.

Harry et lui. Niall avait commencé à y penser le jour où Harry lui avoua son homosexualité. Le blondinet peina à masquer sa surprise et, avec un sourire amusé au coin des lèvres, Harry expliqua qu'au centre IPPJ, aimer les garçons était synonyme de tortures physiques et psychologiques au moindre détournement de regard des éducateurs. Niall se passa de commentaires, ayant lui-même connu les ravages de l'homophobie alors qu'il s'assumait à peine. Jusqu'alors, il n'avait jamais envisagé une relation autre qu'amicale avec le brun, simplement parce qu'il le croyait hétérosexuel.

Maudit en amour depuis toujours, Niall s'entichait toujours de garçons hétérosexuels. Souvent, l'amour l'avait fait souffrir. Au fil du temps, son cœur s'endurcit, sa naïveté adolescente s'atténua. Il s'évertua à garder ses distances avec ce sentiment dérangeant et douloureux que le commun des mortels prénommait « amour ».

Cependant, il devait bien avouer que depuis quelques temps, ses résolutions de chasteté tendaient à s'envoler. Malgré son extrême attirance pour le jeune délinquant, il s'était efforcé de renier ses sentiments, persuadé qu'ils ne lui apporteraient rien, sinon la souffrance d'un amour à sens unique. Pour une fois, il bénissait son manque de perspicacité légendaire qui lui valait les moqueries de Séréna et Noah.

- Et donc, nous nous sommes beaucoup rapprochés ces derniers temps, s'exclama Niall en fixant la photo de Bobby ancrée dans le marbre, pourtant, je sens qu'il garde une certaine distance entre nous, c'est bizarre. Peut-être que je dois me montrer plus patient.

Le vent ébouriffa ses cheveux blonds, le faisant légèrement frissonner. En poussant un long soupir, il ramena ses jambes contre sa poitrine et appuya le menton sur ses genoux. Le léger froncement de ses sourcils trahissait sa profonde réflexion.

- D'un autre côté, reprit-il, si Harry n'espérait pas que quelque chose se passe entre nous deux, il ne m'aurait pas avoué être gay. Enfin je crois. Ou alors il serait vraiment stupide. Il serait même carrément con. Oh... et puis j'en sais rien, ça me prend la tête.

Nerveusement, il commença à malmener un caillou innocent gisant sur le sol. Il ferma les yeux, savourant la froide caresse du vent sur son visage. Tiraillé par le désir de connaître enfin l'amour et par la crainte de souffrir d'un rejet, il ne savait quoi faire. Pris au piège de ses sentiments, il ne cessait de se torturer l'esprit, se préparant psychologiquement avant chaque cours de chant. Aimer Harry devenait vraiment difficile. En soupirant, Niall se leva et frotta machinalement son pantalon avant d'adresser un doux sourire à la tombe de son défunt père.

REINTEGRATION PROGRAM » narryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant