chapitre 8

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Une fine pluie tombait sur le monde en ce début d'après-midi. Andrea Vince jeta un bref coup d'œil à sa montre. 13h30. En lâchant un discret soupir, elle se leva de sa chaise, éteignit la lumière, enfila une veste et quitta son bureau après avoir annulé toutes ses consultations de l'après-midi. Elle avait quelque chose à faire. Quelque chose qui, elle le savait, ne pouvait attendre.

D'un pas rapide, elle traversa le couloir, saluant au passage les éducateurs et les quelques adolescents y déambulant. Les traits de son visage étaient durs, fatigués. Ses yeux injectés de sang et la pâleur de son teint témoignaient de sa nuit blanche passée à réfléchir sur ce qu'elle comptait faire. Machinalement, elle déplia son parapluie et sortit du centre IPPJ. Le vent malmena ses cheveux roux, colora ses joues. Elle se dépêcha de combler les quelques mètres la séparant de sa voiture. Elle allait s'engouffrer dans le véhicule lorsqu'une voix la retint.

- Madame Vince, l'apostropha Ian, vous avez une minute ?

Elle se retourna pour lui faire face. Ian s'approchait d'elle à grandes enjambées, un léger sourire plaqué sur les lèvres.

- Excusez-moi mais je suis pressée, dit-elle.

L'éducateur arriva à sa hauteur, essoufflé. Son sourire ne s'était pas évanoui et Andrea haussa un sourcil, perplexe. Elle chercha sur son visage la raison de ce sourire béat et trouva la réponse au creux de son cou. Intriguée, Andrea posa une main sur la joue de Ian et l'obligea à incliner la tête sur le côté. La discrète marque rouge imprimée sous son oreille fit ricaner la rouquine. Si elle avait passé la nuit à se torturer, Ian dut trouver la sienne beaucoup plus agréable.

- Joli, s'exclama-t-elle d'une voix moqueuse, qui est le coupable ?

Gêné, Ian plaqua sa main contre le suçon récent avant de tenter de le masquer avec son pull, sans succès. Andrea sourit doucement. Ian pouvait se montrer si maladroit, parfois.

- Louis, répondit finalement le rouquin, qui d'autre ?

- Je suis heureuse pour vous.

- Cela fait quelques jours que nous nous sommes remis ensemble et je file le parfait amour. Mais ce n'est pas de ça dont je voulais vous parler. Je voulais simplement vous dire que vous êtes une femme exceptionnelle madame Vince. Vous avez cru en Harry alors que tout le monde le voyait comme un être misérable et vous lui avait permis de s'épanouir.

- C'est mon métier de croire en eux. Si je ne le fait pas, Ian, qui le fera ?

Ian ouvrit la bouche sur un silence, Andrea se contenta de sourire gentiment. Ils se fixèrent durant une poignée de secondes puis avec une douceur qui lui était propre, elle tapota l'épaule de l'éducateur.

- Harry se rend à la chorale aujourd'hui ? demanda-t-elle.

Ian hocha la tête.

- Oui, répondit-il, nous allons bientôt y aller. Comment avez-vous su, madame Vince ? Comment avez-vous deviné que cette chorale était exactement ce dont il avait besoin ?

- Je le savais. C'est tout.

Elle lui tendit son parapluie, il l'attrapa. Il la regarda s'engouffrer dans la Toyota noire, sans dire un mot, secoué par les paroles qu'elle venait de débiter.

C'était bien vrai : si elle ne croyait pas en ces jeunes, qui le ferait ?

Andrea était du genre à respecter les règles. Elle ne grillait jamais de feu rouge, ne dépassait jamais les limitations de vitesse, ne buvait jamais avant de prendre le volant, s'arrêtait toujours aux passages piétons. Mais aujourd'hui, son pied gauche semblait collé à l'accélérateur. Les essuie-glaces luttaient contre la pluie tandis qu'elle roulait à toute allure sur la bande de droite, doublant voiture après voiture. Les yeux figés sur la route, elle se préparait à rencontrer une femme particulière. Une femme qu'elle n'avait vu qu'une seule fois, un an auparavant, lors du premier procès d'Harry. Une femme dont Harry avait besoin. Une femme unique.

REINTEGRATION PROGRAM » narryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant