Samedi

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Pdv Oikawa
Je tremble.
Je ne peux pas me lever. J'ai du mal à respirer, et... J'ai faim.
Je dois pas...
Mais mon corps réclame, je...
Je manque de tomber en sortant de mon lit.
Ma respiration est forte et rapide, presque essoufflée.
Je parviens à descendre dans la cuisine.
Juste un fruit...
Mes yeux se posent sur une boîte de gâteau.
Mes mains la prennent sans que je ne puisse rien y faire, et je commence à manger.
Ça me répugne.
Le sucre...
Je les finis. Tous.
Puis une autre boîte. Et une autre.
Et avant que je ne m'en rende compte,  un quart du placard est vide. Ce n'est plus de la faim, seulement le besoin de se remplir. Alors je reprends un paquet. Après celui là et quelques autres, je cours aux toilettes et me force à vomir.
C'était bon, mais ça ne doit pas rester.
Une fois mon ventre à nouveau vide, je me sens mieux. Je suppose que mon corps a l'impression d'avoir mangé. Ce qui n'est pas faux, en soit.
J'ai craqué.
Je sais que je ne dois pas manger, et pourtant je me suis rempli jusqu'à dépasser largement la limite de la faim.
Putain...
Je n'y arrive pas... Je n'arrive pas à être meilleur... Plus j'essaie, plus j'ai l'impression de m'éloigner de l'objectif. Je passe ma main dans mes cheveux. Une poignée reste entre mes doigts sans même forcer.
...
J'ai peur. Je suis mort de trouille.
Je monte dans la salle de bain, sur la balance. Et s'il restait quelque chose de tout à l'heure ?
58,7.
Voilà, j'en étais sûr.
J'ai repris 500 grammes.
Bravo, Tooru. Bravo.
Je retourne vomir.
Du sang.
Ah ?
La porte s'ouvre.
Tiens ? Mes parents ne sont pas censés être là, à cette heure. Quelque chose a dû se passer. La voix de ma mère résonne dans le salon. Elle m'appelle.
Je passe du dentifrice sur mes dents et ma langue pour masquer l'odeur. Je la rejoins. J'ai mal au ventre. Ma tête tourne. Elle a le visage bouffi, les yeux rouges. Ses lèvres tremblent autant que mes membres au réveil.

- Est-ce qu'il y a un problème ?

D'un air distrait, je sors mes devoirs. Il faut que je travaille, aussi.

- C'est à propos D'Iwaizumi...

Je laisse tomber un de mes cahiers et relève la tête. Hein ?

- Assis toi...

Je ne peux pas. Est-ce qu'elle sait ? Elle sait ce qu'il s'est passé entre nous ? Est-ce qu'elle sait, pour ces nuits là ? C'est à cause de ça qu'elle pleure ? Est-ce qu'elle le déteste ? Est-ce qu'elle me déteste ? Est-ce qu'elle va vouloir porter plainte, ou quelque chose ? Comment elle l'a su ? C'est lui qui lui a dit ? Ou moi, par inadvertance ? Elle nous a entendu ?
J'ai peur.

- Je... Je dois sortir un instant. On parlera plus tard, okay ?
- Mais-

Je me dépêche d'aller hors de la maison. Je ne veux pas. Je ne veux pas entendre ce qu'elle a à me dire.
Je cours jusque chez lui.
Par la fenêtre, personne.
Je sonne. Personne.
Putain, où sont-ils, tous ??
J'appelle Yoko.
« Vous n'êtes pas autorisé à contacter ce correspondant...  »
Je raccroche, sans cesser de courir. Ça ne va pas. Rien ne va. Je ne sais pas où aller. Où sont-ils tous ??
Où sont-ils quand j'ai besoin d'eux ? Quand j'ai besoin d'aide ?
J'appelle Iwa.
Une, deux, trois... Sept fois.
Pas de réponse.
Pas de fichue réponse.
Ma vue se floute. Je continue à courir.
Mes jambes manquent de me lâcher à chaque foulée.
Peut-être qu'il est au parc...?
Ou... Chez Maya...
Une voiture klaxonne et pile juste devant moi. Je sursaute et m'excuse avant de partir.
Le vent balaye mes joues trempées par les larmes.
Je tombe et me relève directement.
Je frôle un passant.

- Oikawa ?

Je m'arrête.
Hein ?

- Tobio ?

Il se tient là, juste devant moi. Ses yeux s'ouvrent plus grands que d'ordinaire.

- Est-ce que tout va bien ?

J'ouvre la bouche, mais aucun son ne sort.

- ... Hum... J'ai... Une bouteille d'eau, ou... Une barre de céréales, si tu veux. T'as pas l'air dans ton assiette, peut-être que ça pourra t'aider un peu ?

Je l'envie.
Je l'envie tellement.

- Juste de l'eau...
- ...

Il le voit. Je le sais.

- Oikawa, tu devrais prendre la barre aussi, je te l'offre. Y aura pas de dette ou quoi que ce-
- Tu as le numéro d'Iwa ??

Il me tend son portable au bout de quelques secondes.

- Tiens.

J'appelle.
Toujours pas de réponse.
Je rappelle. Encore, encore et encore.

Pdv Kageyama
Il pleure.
Je suis censé réagir comment ? Depuis mon entrée au lycée, je ne connais que son air supérieur, sa volonté d'être le meilleur, le premier.
Mais là ?
Ce n'est pas le Oikawa que je connais.
Il est maigre, pâle. Malheureux.
Et seul.
Où est Iwaizumi ?
Ils sont toujours collés l'un à l'autre, d'habitude.
J'ai entendu dire qu'Iwaizumi ne venait plus aux matchs d'entraînement. Ça me semble impossible, lui qui est toujours fourré avec celui qu'on appelle '' le grand roi''. Mais, il faut le dire, aujourd'hui, il n'a pas l'air royal du tout. Plutôt misérable, même.
Le téléphone sonne.
Oikawa sursaute et me le rend, en larme.

- C'est... L'autre petit...

Je réponds.

- Hinata ?
- Kageyama! Tu me fais des passes ??

J'échange un regard avec Oikawa.

- ... Peut-être plus tard. J'ai quelque chose à faire, là.
- Hein ?? T'as besoin d'aide ?
- Je sais pas trop. Je te dirai si besoin.
- Okay !

Je verrouille l'écran.

- Hum... Tu veux parler ?

Il lâche un rire amer.

- Avec toi ?

Je garde le silence. Il change instantanément d'expression.

- ... Non, c'est pas ce que je voulais dire... Je...

Il essuie ses yeux et reprend un semblant de contenance.

- Il faut que je trouve Iwa.
- Vous vous parlez plus ?
- C'est plus compliqué que ça... Il s'est passé un tas de trucs, et maintenant... J'ai juste... Je l'ai juste perdu.
- ... E-Est-ce que... Tu as demandé au lycée...?
- Ah... Non...
- Tu veux qu'on y aille ?

Il serre les dents, fronce les sourcils.

- Je peux y aller tout seul.

Pdv Oikawa
Je veux me débrouiller seul. Tobio, m'aider? Alors que c' est mon cadet ? Non, impossible.
Je le frôle en passant.

- Merci.

Je le dépasse et me remets à courir. Le lycée. Ils doivent savoir. Le samedi, certains club ont leur activité, ce ne sera pas fermé. Je veux le voir. Je m'arrête. C'est ça. Je veux le voir.
Je me moque de ce qu'a appris ma mère. Ce n'est qu'un prétexte que j'utilise. Pourquoi je continue de me mentir ? Qu'est-ce que j'essaie de faire ? Le remplacer ? Et j'espère que ça fonctionne ?
Mes jambes me font mal. Je suis à bout de souffle. De la sueur coule sur mon front. Mes doigts semblent vibrer. Je vois flou.

Je passe le portail de l'établissement. Je dois aller à l'accueil. Quelque chose d'étrange se passe. Autour de moi, le paysage semble fictif, irréel. Comme dans un jeu vidéo.
Avant que je ne m'en rende compte, le sol se rapproche de moi, et ma vision se noircit.

You're mine [Iwaoi] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant