Jeudi

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Pdv Oikawa
Je l'ai presque finie, la salade de fruits. C'était plutôt bon. Je me sens mal de garder tout ça en moi, toutes ces calories, mais j'en ai besoin pour le revoir. Si je mange un peu tous les jours, je devrais aller mieux rapidement, je pense. Je regarde mes mains. Mes avants bras n'ont plus les marques laissées par le ballon lors des réceptions. Je regarde mes cuisses. Évidemment, sans nutriments et sans sport, elles ont minci. Maigri, même, si on en croit les médecins. Mon corps n'est plus habitué au volley. Je veux y rejouer. Et pour ça, j'ai besoin de mon attaquant. Ça me manque, de le voir frapper mes passes. De gagner. De chercher à respirer entre les sets. Les applaudissements du public. L'ambiance. La chaleur. Les bruits de chaussures sur le terrain. Les tapes d'encouragement lorsqu'on perd un point, les cris de joie lorsqu'on en gagne un.
Putain. J'ai laissé tout ça m'échapper.

Pdv Iwaizumi
Rendez-vous chez la psy du centre. Elle appelle mon nom, et j'entre. C'est presque devenu une routine. Ça ne devrait pas, mais ce n'est pas moi qui décide de mon emploi du temps. Je m'installe en face d'elle.

- Comment tu te sens, aujourd'hui, Hajime?

Je sais qu'elle m'appelle par mon prénom pour créer une proximité, mais j'ai horreur qu'un inconnu se prenne pour mon ami.

- J'ai décidé que j'allais sortir d'ici.

Oikawa l'a décidé, en fait. Je le fais plus pour lui que pour moi. Elle efface son expression de surprise en une seconde. Ne pas montrer d'émotion, surtout. Faudrait pas que je pense qu'elle est aussi humaine, et que ce que je dis peux l'impacter. Je me retiens de soupirer. Sérieux, je suis pas con.

-D'accord. Comment tu comptes t'y prendre ?

Elle croit quoi, que je veux m'enfuir et que je m'apprête à lui dévoiler mon plan ?

- En allant mieux.

Elle semble rassurée. Elle le croyait vraiment, l'imbécile.
Je suis sur les nerfs, aujourd'hui. Depuis qu'il m'a parlé, je me demande ce que je fous ici. Je devrais être avec lui, non ? Ça me soûle. Je perds du temps, ici.

- C'est un bon début !

Ferme ta gueule...

- Mh.
- Et donc...

Elle parle, elle parle. Je me contente d'onomatopées pour répondre. Je n'ai pas envie de discuter avec quelqu'un qui est payé pour me poser des questions. C'est trop faux pour moi. Après une heure d'échange non réciproque, je suis enfin libéré. Je retourne directement dans ma chambre. Notre appel est encore frais, je dois profiter de l'impact qu'il a sur moi.
Je récupère les quelques lames ou objets tranchants que j'avais cachées dans la chambre et les jette. Ils sont forts pour nous confisquer des objets aléatoires, de peur qu'on se blesse avec, mais ils sont beaucoup moins compétents dans ce qui est de trouver les cachettes. Je ne sais pas comment je me sentirai demain, je préfère éloigner tout ce qui pourrait m'empêcher de sortir. Je me laisse tomber sur le matelas.
Ouais, non. Ça marche pas, hein. Les mots, tout ça. Toujours envie de crever. C'est marrant, parce que je ne me sens même pas vraiment mal. C'est juste là, dans ma tête, une petite voix qui chuchote un peu fort. Constamment. Une fois, la psy du bâtiment m'a demandé combien de fois par jour je pensais à m'enlever la vie.  « Une fois. » C'est ce que j'ai dit. Parce que c'est vrai, ce n'est qu'une fois. Mais la pensée débarque au réveil et ne me quitte plus après. D'ailleurs, je suis chanceux. Je dors, moi. Je sais que d'autres n'y arrivent pas. Celui de la chambre d'à côté a des cernes à faire peur, vraiment. En même temps, s'il arrêtait de boire autant de café, peut-être qu'il pourrait aller se pieuter. Personnellement, je ne fais que ça, dormir. Je dois bien passer quatorze heures de ma journée à pioncer, si c'est possible. Le plus dur, c'est de trouver le sommeil. Je ferme les yeux, et c'est là que ma tête se met le plus à résonner. Parce que je revois toutes ces années avec Oikawa, ce qu'on a vécu. Et, mine de rien, ça en fait, des choses. Plus que ce qu'on dirait. Tout tourne autour de lui, maintenant. Ça me paraît étrange quand je me fais la remarque, parce que c'est comme si je n'étais plus le protagoniste de ma propre vie. Mais, en même temps, ça me semble tout à fait logique. Je veux dire, d'un point de vue extérieur, je suis le meilleur ami, le gars qui le soutien. Le rôle secondaire, le personnage qu'on aime bien, sans plus. Je ne cherche pas à dire que personne ne m'apprecie vraiment ou quoi. Je sais que j'ai pas mal de '' fans'' derrière moi, je le vois sur les réseaux. Mais c' est probablement plus parce qu'ils me trouvent beau qu'autre chose. Marrant, ça aussi. La manière dont les choses sont abordées. Je ne suis plus l'attaquant de Aoba Josai. Je suis '' le beau mec, là bas, à côté de Oikawa Tooru''. Ça ne me dérange pas, qu'on ne connaisse même pas mon nom. Je m'en moque. Mais j'aimerais au moins qu'on me remarque parce que je joue bien. A moins que je ne joue bien uniquement parce que ce sont les frappes d'Oikawa que je renvoie. Peut-être, oui.
Voilà, c'est ce que je disais. Dès que je ferme les yeux, ça part dans tous les sens. Et maintenant, la motivation que j'avais encore il y a quelques minutes s'est évaporée. Bravo. Putain. Je cherche sous mon oreiller pour trouver de quoi me calmer. Merde, j'ai vraiment tout jeté. Quel con, j'aurais dû en garder une au cas où. Je me glisse sous ma couverture. Je me sens bien dans les petits espaces. Je ne sais pas comment faire, maintenant. Je n'ai rien pour décompresser, et je ne connais même pas la raison de tant d'angoisse. J'ai vraiment l'air stupide. Comment je faisais, avant, quand ça n'allait pas ? Quelle question, franchement... J'étais toujours fourré avec Oikawa, il m'occupait l'esprit. Je dis ça comme si je me servais de lui. Je l'aimais, bordel. Je me demande si ça se voyait, si l'équipe jasait dans notre dos en se demandant comment ça allait finir. Je ne saurais pas répondre, alors il vaut mieux que je ne le sache pas. Mon bras me gratte. Pas la peine de préciser pourquoi, ça fait ça à chaque fois. Je ne le fais pas d'habitude par peur d'infecter les plaies, mais cette fois, je n'ai rien d'autre à faire. Alors je gratte. C'est bizarre, ce besoin de se blesser. C'est peut-être dans la nature humaine. Je pense que c'est dirigé vers les autres, au départ. Les humains ne font que ça, blesser les autres. Quand on essaie de s'en empêcher, ça nous retombe dessus, je suppose.
Dans mon cas, j'ai simplement blessé tout le monde.
Je me sens tellement con.

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Heyo!
Désolée encore de poster cette ff aussi rarement, j'étais bloquée, mais je crois que la suite commence à s'écrire doucement. Bref, je la posterai aussi régulièrement que possible, désolée encore !
J'espère que votre rentrée s'est bien passée ou que la suite de l'année compensera !
Passez tous une bonne journée !

You're mine [Iwaoi] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant