Lorsque je me suis réveillée ce matin grâce au son de l'alarme, je me suis surprise à me sentir bien, à être heureuse. Cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps, mais il y a une bonne raison à mon bonheur, c'est le jour des visites ! Je suis internée en hôpital psychiatrique depuis maintenant sept mois et je vais enfin pouvoir retrouver ma famille, car en effet, si les visites de la famille peuvent avoir lieu tous les mois, je n'ai pas pu en bénéficier avant aujourd'hui. D'après le directeur de l'établissement, je suis malade, je suis anorexique et c'est pourquoi je n'ai pas pu revoir mes parents durant le début de mon séjour. Selon lui, c'était mieux pour eux, pour moi mais surtout pour le bon fonctionnement de mon traitement. Les cinq premiers mois étaient les plus difficiles car j'étais la seule interne à ne pas pouvoir garder de contact avec ma famille, je n'avais même pas le droit de les appeler une fois par semaine comme les autres internes. Ce n'est qu'à partir de mon sixième mois de placement que j'ai pu obtenir des nouvelles de mes parents, ou tout du moins de mon père puisque ma mère était à chaque fois absente lorsque j'appelais. Elle était encore au travail j'imagine.
Mais tout cela est derrière moi aujourd'hui, puisqu'hier, le directeur a demandé à me voir. J'ai d'abord pensé qu'il allait me réprimander quant à mes efforts qui sont, on ne va pas se le cacher, complètement absents. Cependant, c'était tout le contraire. Il m'a félicité pour mon courage et ma détermination et m'a expliqué que dès le lendemain, je pourrais enfin recevoir de la visite ! J'ai tellement hâte de pouvoir retrouver mon père et ma mère, pouvoir les serrer dans mes bras et leur demander ce qu'ils font de leurs journées qui doivent être bien plus passionnantes que les miennes !
Toutefois, je ne comprends pas forcément la décision du directeur même si je suis bien loin de m'en plaindre ! De toute façon, je pense que les médecins se trompent quant à mon diagnostic, je ne suis pas anorexique. J'ai juste perdu beaucoup de poids d'un coup grâce à un régime, et il faut dire que j'avais des kilos à perdre et que j'en ai encore ! Mais, à cause du suivi qui m'est attribué, je ne peux pas manger ce que je veux et il m'est impossible de louper des repas. Une petite voix dans ma tête me dit de courir aux toilettes recracher mon repas chaque fois que je mange, mais j'en suis malheureusement encore incapable. De plus, je suis très surveillée par l'ensemble des médecins et psychiatres de l'établissement qui me suivent chaque fois que je me rends aux toilettes, probablement pour justement vérifier que je ne revomisse pas ce que j'ai mangé. Ma psychologue principale, Madame Bouvier m'a expliqué lors de notre dernière séance que lors de la réunion qui réunit tous les professionnels de l'hôpital pour parler des internes, ils s'étaient mis d'accord sur une décision, si je ne fais pas plus d'efforts pour manger en plus grande quantité et si je ne prends pas de poids dans les prochains jours, ils me poseraient une sonde nasogastrique. D'après ce que j'ai compris, cela consisterait à me mettre un tuyau dans le nez jusqu'à mon estomac et de me faire passer de la nourriture liquide via ce tuyau pour que je me nourrisse de cette façon. Dégueu. Je ne peux pas me permettre cela. C'est inconcevable pour moi. Mais il m'est impossible également de m'imaginer reprendre tout le poids que j'ai durement perdu. Déjà qu'ils m'obligent à me peser chaque jour alors que la balance est devenue ma meilleure ennemie...
Enfin bref, malgré tout, aujourd'hui, le directeur a trouvé judicieux de me permettre de revoir mes parents et c'est tout ce qui compte !
« ... Noël arrive à grands pas et nous voulions vous faire plaisir au vu de vos efforts et de vos persévérances ! »
C'est sur ces mots que le directeur conclut son discours qui nous annonce que les visites auront lieu exceptionnellement pour la deuxième fois dans le mois à l'occasion des fêtes de noël. Tout le monde est ravi, enfin, presque tout le monde. Je suis assise aux côtés de Johan et Baptiste, deux de mes très bons amis, Elena, qui est arrivée à l'hôpital la semaine dernière et avec qui je m'entends déjà très bien, et également Edward. C'est lui qui ne semble pas se réjouir de la visite de sa famille, et il est bien le seul. Je ne le comprendrais jamais. Je ne l'apprécie pas beaucoup et à vraie dire, je crois que c'est réciproque. Pourtant, j'ai essayé de me montrer amicale avec lui, mais à chaque fois, il m'ignore ou alors montre volontairement son exaspération. Pourtant, quand je le vois sortir de table avec Baptiste, le regard brumeux et les larmes aux yeux, je ne peux que lui offrir un sourire compatissant, et, pour la première fois, j'ai l'impression que cela lui fait plaisir.
Je sors de table à mon tour après avoir demandé à Elena si elle voulait que l'on se retrouve dans le salon convivial pour jouer au Monopoly en attendant nos parents. Je rends mon plateau aux cantinières qui notent sur un carnet ce que j'ai mangé au gramme près. Je souffle, quitte cette pièce de l'horreur qui me dégoûte profondément et pars attendre mon amie sur un canapé.
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Seconde chance (1er jet / EN PAUSE)
RomanceEdward, jeune adulte de dix-huit ans, se fait percuter par un camion alors qu'il était en voiture avec sa soeur Thaïs. Cette dernière n'y survit pas. Lorsqu'il apprend la nouvelle, Edward tombe en dépression ce qui l'amène à être interné dans un hôp...