A l'ombre des vignes {MxM}

Chapitre 1

— Ta mère ne m'aime pas.

Gabriel se retourna, scandalisé par les paroles du jeune garçon qui l'accompagnait :

— N'importe quoi ! L'épisode de l'étang est oublié, Noah. Mes parents ne t'en veulent pas.

— Ta mère m'a regardé bizarrement tout à l'heure. Dimanche, je l'ai entendu dire à ton père qu'elle préférait que tu ailles chez Louis au lieu de traîner avec moi. Et je sais pourquoi.

— Noah, on en a déjà parlé. Je ne suis pas venu ici pour me prendre la tête mais pour passer un bon moment.

L'adolescent remonta sur son vélo et s'élança vers le petit circuit de VTT qui lui faisait face. L'autre garçon laissa échapper un grognement de protestation et se mit à pédaler de toutes ses forces pour rattraper son ami.

Arrivés en bas de la plus haute butte du circuit, ils se regardèrent quelques secondes. Puis Gabriel désigna le monticule de terre de la main :

— Nous devrions reprendre en douceur. Tu n'es plus venu depuis quatre mois.

— Arrête de me prendre pour un bébé ! J'ai dix ans ! Onze dans deux semaines ! Et je roule sur ce circuit depuis que j'ai cinq ans.

— Je ne voudrais pas que tu te blesses. Et, au cas où tu en douterais encore, je préfère cent fois m'éclater avec toi que de supporter la compagnie de Louis. C'est peut-être mon cousin mais il déteste le VTT.

— Et le football !

— Aussi, oui. Sans compter qu'il n'est même pas capable de lever la tête de ses stupides bouquins lorsque je me rends chez lui.

— Euh, moi aussi j'aime lire !

— Toi, ce n'est pas pareil. Louis est un crétin.

— Tu crois qu'on restera toujours amis ? s'inquiéta Noah.

— Et pourquoi pas ?

— Tu as quatre ans de plus que moi, Gab. Quand je serai encore au lycée, tu seras parti à l'université.

— Roule, au lieu de sortir des conneries.

Les deux garçons passèrent deux heures sur le circuit de VTT. Épuisés par leurs efforts, ils s'assirent sur un tronc de bois pour récupérer quelques minutes. Gabriel sortit une bouteille d'eau de son sac à dos et la présenta à son ami. Tandis que Noah se désaltérait, son ami décida de le rassurer :

— Je sais ce que tu as entendu le weekend dernier. Je sais que ma mère est vieux jeu et n'aime pas que notre famille se mélange avec les employés du domaine. Mais on est au vingt-et-unième siècle. Tu es comme un frère pour moi. Et ton père n'est pas n'importe qui, c'est le maître de chai. Alors oublie un peu les idioties de ma mère.

— Tu crois que cette année je pourrai participer aux vendanges ?

— Tu seras à l'école, patate !

Noah donna un coup de coude à son ami, l'air faussement vexé :

— Le weekend bien sûr !

Gabriel lui adressa un regard malicieux :

— Tu veux vraiment aider ou tu vas tenter de voler encore quelques grappes de raisin ?

— Hey ! C'est toi qui a commencé l'année dernière !

— Et tu t'es empressé de venir me voir et de me supplier de te donner quelques raisins.

Le visage du plus jeune s'assombrit tout à coup :

— Papa veut m'envoyer dans une école spéciale à Paris en septembre.

— Hein ? s'exclama, effaré, Gabriel.