Breizh

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Une pointe en Bretagne, un après-midi ensoleillé.

Je marche, parmi les bruyères, sur un sentier de terre.

Je marche, je passe devant les vestiges des années, que la cruauté de mon peuple a fait échouer.

Un bâtiment en béton est camouflé aux yeux de la côte, un bunker, tagué. Des promesses d'amour sont gravées, sur la face de cette bâtisse ayant vu le sang couler. Un musée me fait face, un lieu simple où sont exposés munitions et missiles. Des écriteaux témoignent de l'horreur de la guerre, ils sont illustrés.

Ce déploiement d'armement détonne dans le paysage, lui qui est si vivant. Les vacanciers se promènent sur le pic, et détériorent des plantes, marchent sur les espaces verts protégés...

Trop de monde

Trop de bruit

Je marche, je passe devant ces touristes dont les enfants se plaignent et piaillent.

Je cours. J'admire la mer, elle se balance au gré des vents et des marées. Je prends le temps de l'observer. Le bleu de son eau devient presque vert grenadine aux abords de la falaise, l'eau est peu profonde mais je ne prendrais pas le risque de m'y aventurer. Les vagues viennent se casser sur les rochers dans une douce violence. Un bateau fait la navette entre la côte et une île, de là où je suis, je peux voir les touristes avec leurs appareils photos sur le pont.

Je m'avance sur le pic, j'aperçois une croix de Loraine au loin. Des mots y sont inscrits, je suis trop loin pour les déchiffrer. Les Hommes paraissent tout petits aux côtés de ce vestige. Je ris.

Soudain, une brume épaisse apparaît à l'horizon. Le touriste ne se presse pas, il est loin ce brouillard ! Je souris, la brume se rapproche, les vents sont de plus en plus forts. Le touriste commence à rentrer, quel intérêt pour lui de rester, si le soleil ne brille pas haut dans le ciel ? Pour moi, c'est le meilleur moment de la journée. Je regarde le brouillard s'avancer vers la pointe, il cache le soleil et continue d'enfler.

Je vole. Je vole jusqu'à la grande croix de Loraine qui se dresse devant moi et me surplombe de toute sa hauteur, des prières y sont écrites, l'on souhaite la paix éternelle aux combattants, à ces héros qui, sans être nommés, resteront dans les pages de nos cahiers. Je m'arrête une minute pour honorer la mémoire de ces braves, de ces poilus sans qui, je n'existerais peut-être point. Je m'adosse à cet éléphantesque monument, de toute façon, il ne serait pas prudent d'aller plus loin maintenant.

Car la brume m'englobe.

Je ne vois plus là d'où je suis arrivé, je ne vois plus la mer, je ne vois plus le sentier. C'est à peine si je discerne la croix de Loraine. L'air devient humide, de petites perles se forment sur mes cils. L'air est salé, c'est l'air de la mer qui m'apporte cette saveur d'algue. Certains ne l'aiment pas, moi, elle me fait me sentir libre, complète.

Je regarde aux alentours, je ne vois plus les touristes.

Tout est calme désormais, je n'entends plus les enfants pleurer, les parents s'agiter, et tous les bruits de la civilisation qui polluent mon monde.

J'entends le bruit des vagues se fracassant sur les rochers, celui des mouettes se moquant de la gravité. Je les envie, à voler ainsi.

Et puis la brume passe, le soleil revient, je revois la mer. Je m'assois sur le bord de la pointe, la pierre sous mes doigts est rugueuse. Cet endroit du bout du monde est désert, enfin.

Une pointe en Bretagne, après le brouillard.




LucioleM9

La mélodie du Cœur ☆ La Mélodie Des MotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant