Ame

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Je m'assois sur le rebord de la fenêtre et lance la musique sur mon téléphone.

Les gouttes d'eau trace des dessins sur la vitre. Derrière elle, les planches en bois de mon balcon deviennent plus sombres au fur et à mesure que les gouttes tombent. Les nuages noirs arrivent vers ma maison perdue dans les bois, ce havre caché où je me réfugie quand je me sens mal.

Peu de gens le connaissent, je n'y suis jamais embêtée, je peux réfléchir en paix. Je suis peintre, je capture des moments de la réalité pour les rendre éternels. Mes parents n'ont jamais voulu que je fasse de cette passion mon métier, pourtant, c'est un besoin vital, je ne me vois pas continuer à vivre sans peindre. C'est l'expression de mon âme, mes couleurs intérieurs, mon journal intime.

Le tonnerre se met à gronder et la pluie redouble. Je décide de sortir sur le balcon.

Je suis pied nue, la sensation de la pluie sur ma peau est divine. L'odeur des pins environnants se retrouve renforcée grâce à cette eau salvatrice, renforçant leur arôme si particulier. Je sens que l'eau devient salée, je pleure ? Non, je ris aux larmes, je me sens tellement bien...

Tout d'un coup je m'arrête, je ne réfléchis plus, mon cœur prend les commandes. Je retourne aussi vite que je peux à l'intérieur et prends une toile vierge. Je suis tellement pressée que je renverse mon pot de pinceau qui se brise au sol, je ne m'en rends presque pas compte, mon esprit est dirigé vers une seule chose ; peindre. Je mélange mes couleurs sur ma vieille palette en bois et commence mon esquisse.

Un trait par ci, un autre par là. Je suis prise d'une ferveur créatrice, libératrice. Je monte le son, la peinture gicle sur mes habits, mon T-shirt blanc se prend une nouvelle trace de peinture. Ma toile se remplit de mes émotions, mon pinceau se nourrit de mes sentiments. Je reste deux bonnes heures à m'exprimer, j'ai l'impression qu'il ne s'est passé que deux minutes !

La pluie s'est arrêtée depuis longtemps, j'enfile mon imperméable et pars me promener dans la forêt, je passe par- dessus des branches tombées au sol et me rend à mon arbre. Je l'escalade, empoignant à pleine main son tronc, nettoyé par la pluie et encore un peu humide. La mousse retarde ma montée et me procure une étrange sensation dans les mains.

Une fois au sommet, je contemple les bois, d'ici, je ne vois point les routes, les immeubles. Je vois juste les arbres, à perte de vue. Je vois ma petite maison dans la forêt. Je vois des écureuils faire leurs provisions en prévision de l'hiver qui approche. Ils sautent de branche en branche avec une grâce aérienne. Leurs sauts sont magnifiques, je les ai déjà peints plusieurs fois.

Mon carnet est toujours là, dissimulé dans un creux de l'arbre, je le ramène dans ma maison, c'est une source continuelle d'inspiration.

Mon tableau trône toujours au milieu de la pièce, attendant que je le baptise. Il y est représenté une enfant, qui, accoudée à sa fenêtre, trace des dessins imaginaires avec les perles du ciel échouées sur la vitre.

Je souris, écoute les battements de mon cœur qui s'intensifient, prend un crayon noir et repense à la pluie, l'orage, l'explosion de mes sentiments. Écrit sur mon tableau avec la plus belle de mes écritures se trouve un simple mot, qui, en ce moment, importe plus que ma vie.

Ame

LucioleM9

La mélodie du Cœur ☆ La Mélodie Des MotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant