Les informations révélées par Miss Burke avaient beau être des plus démoralisantes, au moins nous avait-elle donné quelques pistes sur notre mystérieux agresseur. Elle avait également demandé à ce que Mr. Vincent restât avec elle pour le restant de la journée, afin d'étudier sa condition de plus près. Cela me donna une parfaite excuse pour prendre congé de Lord McDonnell et pour aller rejoindre les docks de St Katharine.
Bien entendu, je décidai de ne pas partir seule et d'être accompagnée de Lady Elizabeth Hepburn. Sa sensibilité aux énergies émises par les esprits nous permettrait de détecter rapidement si le mystérieux sorcier décidait de nous attaquer. Dans l'éventualité très probable où je serais la cible, le fantôme devait disparaître au plus vite - un battement de cils devait suffire - et partir prévenir notre alpha de mon sort. Dans le cas contraire, je devais utiliser toutes mes ressources, dont ma connaissance de Londres et quelques compétences plus secrètes, pour rejoindre le plus rapidement possible la meute et les mener à notre criminel.
Pourquoi leur faire courir un tel risque ? Eh bien, après discussion avec la doyenne du coven, nous en avions déduit qu'il était très probablement impossible pour un esprit de séparer plus de deux âmes de leur corps à la suite. D'après leurs études sur les âmes artificielles, ces dernières avaient souvent beaucoup de difficultés à se lier à un objet matériel ou à un cadavre, mais le lien formé se solidifiait ensuite dans le temps. Selon ces observations, nous avons établi l'hypothèse qu'il fallait une énergie magique considérable pour transformer un loup-garou en seulement un loup intelligent.
Même de très vieux djinns, âgés de plus de trois mille ans, auraient de très grandes difficultés à répéter cette agression plus de deux fois. Et pourtant, ils étaient capables des pires catastrophes surnaturelles sur Terre.
Bien entendu, cela ne signifiait pas que je ne devais pas me montrer prudente. Naïra resta alerte tout au long de mon trajet en voiture, tandis que la pression légère mais glacée de Lady Elizabeth Hepburn autour de mon bras ne se desserra pas un seul instant. Je sentis d'ailleurs cette dernière se tendre dès que nous arrivâmes sur East Smithfield.
Bien que les environs restaient plutôt propres par rapport à d'autres endroits de Londres, l'endroit regorgerait de lutins. De la taille d'un très jeune enfant - je dirais trois-quatre ans - et grands buveurs de bière, ils étaient chargés de surveiller les quais, de reporter toute présence inhabituelle à des agents de Scotland Yard et de charger et de décharger tous les bateaux. Leur présence n'était pas à craindre, bien que certains individus avaient tendance à boire un peu trop, surtout en pleine journée, et à se montrer un peu trop hostiles envers les étrangers.
Toutefois, je pus longer les quais et la Tour de Londres sans encombres, la somptueuse brune à mes côtés. Il nous suffit de simplement quelques minutes pour faire face à une petite boutique, quelque peu discrète mais dont de belles toilettes ornaient la vitrine. Certaines simples et très abordables entouraient une somptueuse robe de bal, décorée de perles, d'une dentelle blanche vaporeuse et de fleurs fraîches - sûrement conservées par un sortilège.
Dès que nous entrâmes dans le petit bâtiment, une petite cloche sonna et des brownies sortirent leur tête de derrière une porte recouverte de lourds rideaux. Leurs grands yeux bleus nous fixèrent un instant, et ils émirent des sortes de ronronnements très bas, très graves, pour nous souhaiter la bienvenue. Néanmoins, ils ne firent pas un seul autre geste et restèrent à moitié cachés derrière le tissu... du moins jusqu'à ce que Debby fasse elle aussi son apparition.
- Bonjour Miss Valentine !! s'exclama-t-elle en plaçant plusieurs couches de laine bordeaux sur un tabouret. Comment puis-je vous aider ? Vous faut-il de nouveaux uniformes pour vos employés ? Ou peut-être avez-vous besoin d'un nouveau mantelet ?
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Le voleur d'âmes
Historical FictionMiss Valentine Villeneuve avait déjà fort à faire avec l'arrivée d'un nouvel alpha à Londres. Et voilà qu'en complément, des loups-garous apparaissent, bien plus loups qu'ils ne le devraient. Comme si leur âme humaine avait disparu... Comment est-ce...