Comme pour cacher son embarras, le petit homme épousseta une nouvelle fois ses habits, bien que je craignais qu'il ne pouvait pas enlever la tenace couche de suie qui les recouvrait. Il devait être arrivé à la même conclusion car il fronça un moment les sourcils, avant de s'arrêter net et de demander :
- Bien, qui dois-je guider ?
Je sentis mon corps se tendre légèrement devant cette question. Pour une raison obscure, qui devaient sûrement remonter à des centaines d'années si on en croyait les légendes, les lutins avaient une curieuse obsession avec certains thérianthropes. Ils ne manquaient pas de récits où un des leurs avaient pourfendu ses ennemis à dos de lapins-garous, espionné des camps rivaux sur une belette-garou ou encore, fait fuir d'importantes menaces aux côtés des renards-garous. Il était même courant qu'un de ces êtres du Petit Peuple se promène avec des boutons ou des accessoires de bois aux effigies de ses animaux favoris, afin de s'attirer leur "grâce".
Et celui devant moi arborait fièrement un pendentif aussi gros que son poing, sur lequel un canidé relevait ses babines, des flammes dansant tout autour de lui.
Abraxius ne semblait pas du tout ravi par cette marque d'intérêt, je pouvais l'entendre grogner dans mon esprit. Toutefois, il fit un véritable effort pour ne pas grimacer devant le lutin et déclara avec un manque d'entrain évident :
- J'imagine que vous me guiderez.
Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir le petit être devant moi rayonner de bonheur. Ses amis poussèrent une exclamation envieuse de leur perchoir, sans oser rajouter quoi que ce soit d'autre. Quant à Mr. Gilson, il avait capté ma mauvaise humeur et demanda donc avec politesse :
- Souhaitez-vous que je le prenne sur mon dos ?
- Vous ne parviendrez pas à le faire changer d'avis. Toutefois, si vous pouvez vous assurer qu'Abraxius ne le tue pas avant d'avoir rejoint le sorcier...
L'esprit renard me repoussa mentalement, irrité par mon commentaire. Je ne lui accordai aucune attention et vérifiai simplement que le loup devant moi hocha de la tête.
Le petit homme n'avait pas aperçu notre discussion ou, si c'était le cas, il avait préféré ne faire aucun commentaire. Il sautilla jusqu'à mes pattes, sifflotant un de leurs chants de guerre d'un ton bien trop guilleret. Avec mauvaise volonté, me promettant un bon bain après cette chasse, je me penchai assez bas pour qu'il puisse monter, mais aussi assez haut pour que ma fourrure ne touchât pas les quais.
Heureusement, les lutins étaient assez agiles pour leur taille, à la manière d'un écureuil. Ils étaient des habitués des toits et des gouttières, et gardaient un excellent équilibre même soûls - ce qui devrait être impossible. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, l'être aux cheveux bouclés se retrouva à califourchon sur mes épaules, et je pouvais voir en tournant la tête l'énorme sourire qu'il affichait fièrement.
Nul doute que cette histoire serait transmise à ses descendants sur des générations et que de nouvelles légendes naîtront à partir de ce récit déformé.
Je me relevai et tournai la tête vers la direction qu'avait pris le sorcier. Abraxius s'étirait mentalement, prêt à prendre le contrôle total de mon corps et à continuer la chasse. Je pouvais sentir une joie malsaine exsuder de son esprit pendant qu'il lâcha avec ravissement :
- Lord McDonnell ?
Ce dernier répondit avec un aboiement ferme, dont le message était simple et clair : "Nous vous suivons".
D'un bond, je m'élançai en avant, la mâchoire claquant de satisfaction. Le lutin me tira un peu les poils mais, très vite, il commença à me donner des instructions. Le trajet fut d'abord simple, puis le sorcier sembla nous remarquer et se mit à tourner aléatoirement dans les rues, comme pour nous forcer à perdre sa trace. Mais ni Abraxius ni moi ne nous laissions arrêter par tous ces mouvements.
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Le voleur d'âmes
Fiksi SejarahMiss Valentine Villeneuve avait déjà fort à faire avec l'arrivée d'un nouvel alpha à Londres. Et voilà qu'en complément, des loups-garous apparaissent, bien plus loups qu'ils ne le devraient. Comme si leur âme humaine avait disparu... Comment est-ce...