Chapitre XV - Premier jet

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    Lorsque je repris connaissance, la pièce était plongée dans le noir et embaumait la vanille musquée, puissante, presque menaçante, si entêtante qu'elle cachait en partie une note de Darjeeling fraîche et énergisante.

    J'ouvris prudemment une paupière et laissai mes yeux s'adapter à la pénombre tout en identifiant les deux hommes qui discutaient à voix basse. Je reconnus Lord McDonnell, qui semblait faire de son mieux pour retenir sa rage. En face de lui, l'homme ne m'était pas étranger et sa voix chantante me ramena des souvenirs d'après-midi autour du thé et de canines un peu trop longues.

    Autour de moi, je reconnus plusieurs meubles qui m'indiquèrent que je me trouvai dans la chambre de mon alpha - j'y avais fait plusieurs séjours pour aider Lord Adams à sortir de sa dépression, en vain. Les lourds rideaux obstruaient les fenêtres et empêchaient donc toute lumière de passer, si bien que je ne savais pas quelle heure de la journée nous étions et si même au moins une journée s'était écoulée depuis ma perte de connaissance.

    Tu as été inconsciente pendant vingt heures, grogna une voix étouffée dans mon esprit que j'identifiai comme Abraxius, bien qu'il paraissait épuisé et qu'il disparut à la lisière de ma conscience.

    Naïra était dans le même état : recroquevillée dans un coin de ma tête, elle me partagea rapidement sa joie de savoir que j'allais bien, avant de repartir se reposer. Je pouvais en conclure que, quoi qu'il m'était arrivé, ces deux-là m'avaient protégé de toutes leurs forces.

    Dès qu'il s'aperçut que j'étais réveillée, l'Écossais se rua sur moi et je remarquai, alors qu'il passait près de la seule lampe allumée de la pièce, qu'il ne portait qu'une chemise non repassée et que ses cheveux n'étaient pas coiffés. Je fus surprise de voir que, malgré le fait que je n'étais pas exactement au meilleur de ma forme, je trouvai quand même ce nouvel affront à l'étiquette des plus révoltants.

  - Reposez-vous encore un peu, Miss Villeneuve, chuchota-t-elle d'une voix douce et réconfortante. Votre... "ami" vous a soigné avant que vous ne passiez dans un état critique.

  - Lord McDonnell, les renards-garoux sont des créatures dont on ne se débarrasse pas si facilement avec un peu de magie. Disons plutôt que je l'ai soigné avant que sa partie loup ne disparaisse, écrasée par la présence de sa partie renard.

    D'un pas en avant, le second homme s'avança près de la seule source de lumière de la salle. Lord Yao Newman était, à ce jour, le seul vampire autochtone africain qui avait ses entrées dans toutes les cours vampiriques d'Europe. Son teint foncé rappelait un café serré, ce qui mettait d'autant plus en valeur ses yeux cognac et son sourire chaleureux. Sa musculature souple rendait chacun de ses mouvements gracieux et magnétiques, et il n'était pas idiot de dire qu'il se déplaçait avec bien plus d'élégance que la plupart des nobles.

    Bien qu'il m'avait assuré être plutôt jeune, il était impossible de savoir son âge exact - il s'y connaissait sur assez de sujets pour laisser planer un doute sur cette question. Il se déplaçait toujours avec une canne qui cachait une épée, et qu'il utilisait plus comme mise en garde que comme arme. En plus d'être fin bretteur, il s'y connaissait aussi en arts occultes indigènes, bien que je ne l'avais jamais vraiment vu les utiliser.

  - Bonjour Lord Newman.

    Ma voix était des plus croassantes et faibles, mais ce n'était pas une raison pour oublier la bienséance. Mon interlocuteur afficha un large sourire, bien que je pouvais voir une lueur d'inquiétude danser dans ses yeux.

  - Bonjour Miss Valentine. Il semblerait que, depuis ma mission en Inde, beaucoup de choses soient arrivées dans votre meute.

    Je hochai doucement de la tête. "L'exécuteur de la reine" était un excellent traqueur et quiconque menaçait la royauté britannique et la sécurité de ses sujets n'était pas à l'abri de cet homme, peu importait où il se trouvait dans le monde. Par conséquent, la reine Victoria l'avait récemment envoyé pour retrouver un sorcier rebelle qui détruisait toutes les plantations de thé de la Couronne d'Angleterre en Inde. Nul doute que, s'il était rentré aussi vite, il avait réussi avec brio sa mission et venait retrouver sa bien-aimée, la petite-fille de Sa Majesté Victoria et également la reine des vampires, Louise.

Le voleur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant