Dès que je rouvris les yeux, je pris conscience que j'avais été déplacée dans mes appartements à Hampstead Steath. J'y reconnaissais les roses d'un orange flamboyant que m'avait offert Lord McDonnell, la courtepointe que mes gouvernantes fantômes m'avaient offert à mon départ de France et, surtout, le magnifique tableau à l'huile qui me représentait avec la reine des vampires - une curieuse idée de sa part.
Mais je n'étais pas seule. Un bruit de couvert frappé contre de la vaisselle résonnait de l'autre côté d'un très large paravent en soie et, bien que je ne pouvais voir la silhouette derrière l'objet, je pouvais sans conteste deviner qu'il s'agissait de Henry. Lui seul avait l'autorisation d'entrer dans ces lieux, à condition qu'il reste exclusivement dans mon espace entrée-salon. Grâce aux sortilèges maintenant posés sur tous les corsets et corsages, ainsi que mes années d'expérience à me coiffer et m'habiller seule, je n'avais plus besoin d'aide pour m'apprêter. J'utilisais même une baignoire enchantée pour chauffer l'eau toute seule et plusieurs protections magiques maintenait la poussière et les parasites loin de chez moi. Avoir un second domestique était donc superflu.
Je me relevai lentement, grognant légèrement de douleur malgré mon amour de l'étiquette. Mes muscles courbaturés me lançaient, tandis qu'un point sous ma poitrine pulsait de manière intolérable. Je me rappelais immédiatement que le lwa avait brisé un de mes os à cet endroit et pestait silencieusement. J'osai espérer qu'il avait au moins péri, sinon...
Naïra aboya faiblement d'un recoin de mon esprit. À y réfléchir, je ne sentais plus la présence d'Abraxius. Craignant le pire, je m'encquis donc :
- Comment va Abraxius ?
Pendant un instant, elle resta immobile avant de désigner vaguement un espace derrière elle. Bien, elle ne semblait pas particulièrement triste ou angoissée donc il devait s'être endormi pour récupérer des forces. Inutile de le déranger, même si je le remerciai quand même pour son aide. Sans lui, je serai sûrement morte avant même d'avoir affronté un lwa.
Je toussai un peu, ma gorge horriblement sèche. À cet instant, des notes de Darjeeling chatouillèrent mes narines pendant qu'un bout de plateau apparût derrière le paravent.
- Miss Villeneuve ? demanda Henry d'un air chaleureux - et presque soulagé. Je vous ai préparé un peu de Darjeeling et quelques scones fourrés, souhaitez-vous que je vous les apporte ?
Je jetai un coup d'œil sur ma tenue. Si quelqu'un avait eu la délicatesse de m'habiller d'une chemise, je n'étais définitivement pas présentable. Toutefois, porter un corset serait une torture avec ma côte cassée - je soupçonnais d'ailleurs que quelqu'un m'avait administré des calmants puisque je pouvais bouger malgré la douleur. Sans compter que me coiffer prendrait bien trop de temps.
Je décidai donc de faire un compromis. En quelques pas qui m'arrachèrent une vive grimace, je récupérai une tea gown qui restait toujours à proximité de mon lit. De soie verte, son col haut et sa ceinture autour de la taille me permettrait d'être suffisamment habillée pour recevoir des personnes proches - même si je faisais une petite entorse à l'étiquette pour Henry. Je récupérai également un ruban qui traînait sur ma table de nuit et nouait rapidement mes cheveux. Il ne me viendrait pas à l'idée de travailler dans cette tenue mais, dans l'intimité de mes appartements, cela suffirait.
Je regagnai aussi prestement que je le pouvais mes draps, soufflant entre mes dents pour contenir ces pulsations douloureuses. Et, bien que je suivais toujours religieusement les règles de bienséance, cela ne m'empêcha de lâcher quelques injures à leur encontre.
- Vous pouvez venir, Henry.
Le domestique s'exécuta aussitôt, avec entre ses mains un large plateau couvert d'une tasse fumante, d'une théière et d'une assiette remplie de petits scones. Naïra ne fit pas un seul commentaire sur l'absence de viande, même si je pouvais la sentir un peu déçue. Ce fut la raison pour laquelle, malgré le fait que le mélange serait des plus ignobles, je demandai au jeune garçon :
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Le voleur d'âmes
Historical FictionMiss Valentine Villeneuve avait déjà fort à faire avec l'arrivée d'un nouvel alpha à Londres. Et voilà qu'en complément, des loups-garous apparaissent, bien plus loups qu'ils ne le devraient. Comme si leur âme humaine avait disparu... Comment est-ce...