Après tous les événements de la veille, j'avais décidé de me laisser une matinée tranquille pour reprendre mon travail et aussi pour digérer toutes les informations reçues. "J'aurais tout l'après-midi pour m'occuper de Piccadilly Street", m'étais-je répétée à maintes et maintes reprises. "Je pouvais bien prendre un peu de temps pour me remettre de ces émotions".
Comme pour me prouver le contraire, Mr. Twain fit irruption dans mon bureau.
J'observai un long, long moment le grand animal, la fourrure pareille à un épagneul brun et gris, les yeux noirs presque larmoyants pendant qu'il rentrait piteusement dans la pièce et venait se coucher à mes pieds. La longue cicatrice, qui courait de son épaule à sa hanche, attestait de sa participation aux combats sans merci qui avaient permis de décider notre alpha. Encore avait-il eu de la chance de ne s'en sortir qu'avec une blessure comme celle-ci.
Naïra était dans tous ses états, et je pouvais sentir sa présence dans mon esprit faire des allers-retours paniqués. Je n'avais pas besoin de lui poser la question pour savoir que le pauvre homme devant moi avait subi le même sort que Mr. Vincent.
Je fis un effort pour prendre l'odorat d'un loup et chercher une odeur suspecte, mais je ne trouvais encore qu'une vague odeur de fleurs séchées et de résine. Oh, et une fragrance encore plus légère d'après-rasage. Enfin, je n'en étais pas sûre. Il aurait pu tout aussi bien s'agir d'une eau de Cologne ou d'un produit de soin parfumé. Néanmoins, cela restait particulièrement intriguant.
À côté de moi, Mr. Gilson semblait dans le même état contemplatif, ayant tout autant de mal à comprendre la situation. Quant à Henry, une ligne anxieuse sur son front brisait son calme apparent. Il me jetait sans cesse de petits coups d'œil, comme pour me demander la démarche à suivre dans une telle situation.
Évitant soigneusement son regard, je préférai me retourner vers mon associé et annoncer d'une voix qui se voulait calme mais où perçaient des accents de panique :
- Nous devons activer un état d'urgence pour tous les loups-garous. Personne ne devra plus se balader seul dans les rues de Londres. Et il faut aussi que nous prévenons le Département de l'Étrange que nous avons une nouvelle victime.
- Aye, souffla-t-il avec un fort accent écossais teinté de confusion. Mais Lord McDonnell est justement sorti, et nous ne savons pas quand il va revenir...
Je grimaçai et me mis à taper de l'index sur mon fauteuil. Bien que notre nouvel alpha était incroyablement tolérant, sa nature le rendait très attaché à l'autorité et au respect de la hiérarchie. Mettre en place toutes les actions qui me passaient à l'esprit, sans exception, serait vu comme incroyablement grossier et scandaleux, et je doutais qu'il me laissât en vie après une telle faute. Si seulement notre meute avait la même organisation que les dryades... Elles n'avaient pas de chef à proprement parler, elles se concertaient toutes ensemble pour prendre une décision, en écoutant les avis des anciens comme des jeunes et des braves comme des sages.
Je pris quelques secondes pour réfléchir à une solution et décidai finalement d'opter pour la seule possibilité qui ne nous attirerait pas les foudres de notre supérieur Écossais. Je pris une longue inspiration, puis déclara d'une voix forte et claire, vibrante de magie :
- Lady Hepburn, nous aurions besoin de votre aide. Pourriez-vous nous rejoindre rapidement ?
Comme toutes les fois où nous l'appelions, le fantôme arriva dans une brise fraîche qui sentait un peu les pierres humides. Son sourire courtois se crispa quand son regard s'attarda un peu trop longtemps sur Mr. Twain. Dès qu'elle eût compris la situation, ses yeux s'agrandirent d'effroi tandis que sa voix se mit à devenir de plus en plus aiguë :
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Le voleur d'âmes
Ficción históricaMiss Valentine Villeneuve avait déjà fort à faire avec l'arrivée d'un nouvel alpha à Londres. Et voilà qu'en complément, des loups-garous apparaissent, bien plus loups qu'ils ne le devraient. Comme si leur âme humaine avait disparu... Comment est-ce...