Chapitre IX - Premier jet

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    Le Palais des vampires était un impressionnant bâtiment construit sur Albany Street, avec vue sur le Regent's Park. Sa silhouette agrémentée de larges toits ronds et pointus s'inspirait apparemment des demeures royales indiennes - je n'en avais jamais vu et ne pouvais donc évaluer la ressemblance. Toutefois, la très large fontaine de marbre et les imposantes statues de dieux éléphants et singes qui l'entouraient étaient un régal pour les yeux.

    Je descendis précautionneusement de la voiture, faisant attention à ne pas tâcher ma superbe robe pâle. Qu'elle ait les dents longues ou non, une reine restait une reine et j'avais donc sorti ma plus belle tenue pour l'occasion. La toilette était de soie vert céladon et ivoire, dont une couche de tissu était drapée autour de la taille pour finir derrière moi en traîne. Une parure dont la pièce maîtresse était un oiseau à longue queue en jade et un dolman crème décoré de broderies sur les manches venaient compléter le tout. L'ensemble avait coûté une fortune, mais il était hors de question d'avoir une allure négligée devant une personnalité si importante.

    Lord McDonnell tenait délicatement ma main, sans montrer le moindre signe d'impatience. J'avais demandé à ce qu'il m'escortât, non pas pour me protéger mais pour qu'il découvre les créatures les plus influentes de la société derrière les humains. Il s'était empressé d'accepter et avait revêti son plus bel habit noir pour l'occasion. Je ne pouvais qu'approuver le choix de sa cravate en soie bordeaux et ses boutons de manchette en cuivre, gravés d'un chien celte aux yeux de rubis. Je n'avais de toute façon plus aucun doute sur ses capacités à intégrer la société londonienne, il serait sûrement un excellent leader comme le fut Lord Adams.

    Dans une longue tunique aux couleurs bariolées dont j'avais oublié le nom, Ali vint nous accueillir. Il faisait une bonne tête de plus que moi, avec de larges épaules musclées et une longue cicatrice sur toute une partie du visage. Affreusement intimidant, il ne faisait jamais l'effort de sourire, même par courtoisie. En même temps, il avait été ramené d'Inde où les seigneurs locaux chassaient tous les tigres-garous qu'ils apercevaient. Je n'osais imaginer combien de ses semblables il avait vu mourir sous ses yeux, simplement pour "divertir les plus nobles".

  - Miss Villeneuve, Sa Majesté vous attend, annonça-t-il dans une révérence parfaite. Si vous voulez bien me suivre...

    Et il se retourna, se forçant à réaliser de petites enjambées pour ne pas nous semer. À côté de moi, je sentis l'alpha se tendre légèrement. Après tout, ils étaient tous deux des prédateurs et leur instinct les poussait à se détester, n'étant pas de la même espèce. J'avais eu droit à cette même réaction en rencontrant l'indien pour la première fois.

    Je pris donc le bras de Lord McDonnell d'une façon quelque peu apaisante et protectrice - du moins je l'espérais - avant de suivre notre guide. Et, bien que l'homme n'était pas ravi de m'emboîter le pas, il s'exécuta sans protester.

    Nous traversâmes plusieurs pièces décorées de magnifiques peintures murales, qui racontaient l'histoire des vampires dans un style plus coloré et moins réaliste que nos tableaux actuels. Des créatures en marbre aux gueules ouvertes, sûrement des tigres ou des singes fantastiques, entouraient de très larges ouvertures par lesquelles les bruits de l'eau et la lumière de soleils artificiels s'infiltraient. Je surpris également un iguane à son aise sur une grande feuille, malgré le brouillard quasi permanent qui surplombait la ville.

    Au détour d'une cour intérieure luxuriante, dotée d'une large fontaine rectangulaire de marbre blanc, nous entrâmes dans un nouveau bâtiment, réservé exclusivement aux visites. Les salles du rez-de-chaussée étaient réservées pour les rencontres officielles ou pour les personnes que l'on ne connaissait pas beaucoup. Au premier étage étaient amenés les amis et les proches, et le deuxième étage...

Le voleur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant