Chapitre 1

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"Le spirituel est supérieur à l'extérieur ;

il ne peut être accrédité

que par soi et dans soi,

Et il ne peut s'avérer

qu'intérieurement

par soi et en soi-même.

C'est là ce qu'on peut appeler l'Attribut."



Il prit une gorgée de café.

- Hmmm...

L'arôme du café s'enroulait autour de sa langue, délassant ses papilles, révélant des saveurs inattendues.

C'est le moment... Je pense que si je lui en parle, il va en acheter... ce sont les plus chères du magasin... s'il en achète un kilo, je suis certain de faire les meilleurs chiffres du mois...

L'employé se pencha doucement, comme pour proférer une confidence. Sa tenue parfaitement repassée et ses cheveux fraîchement gominés laissaient traîner dans l'atmosphère une odeur de lessive et de produits capillaires. Des produits au prix accessible, des odeurs écoeurantes.

Cela laissait peu de place à la saveur des volutes du café. Dommage...

- Ces graines nous viennent d'une île volcanique, monsieur, dit l'employé en parlant si doucement qu'il semblait partager un secret. Vous reconnaîtrez la saveur particulière due à l'instabilité du sol. Outre sa saveur, vous vous ravirez de sa chaleur surprenante et ...

Le speech de vente se prit les pieds dans la gorge du vendeur, qui ouvrit la bouche comme un poisson, livide comme une carpe, tremblant, en portant une main sur son cou.

Ma voix, je ne peux plus parler... C'est vrai, c'est donc un Potestate ? Il a des pouvoirs, lui aussi ?!

L'individu foudroya son potentiel acheteur du regard, avant de baisser les yeux et de retourner à sa posture droite et fixe.

Il paraît qu'il a enlevé la vue à un employé qui l'avait regardé de travers. Surtout ne pas le regarder. Ne pas le regarder.

- Ne vous approchez pas trop, vous gâchez les arômes avec votre parfum bon marché.

L'employé prit un air contrit et, en agrippant son plateau, alla se positionner de l'autre côté de la table, le plus loin possible de l'homme assis dans l'ombre.

C'est impossible qu'il sente un quelconque parfum sur moi, je suis à la lettre les indications du magasin pour ne pas mettre de parfum le jeudi. Tout le monde sait qu'il sent tout à un kilomètre. Quel client compliqué. Pense à ta vente. Ta vente. Oh. Si ça se trouve, c'est un Odorisequus. J'espère que je n'ai pas oublié un truc dans ma poche, ils sentent tout.

Entre deux gorgées de café, l'individu ne put s'empêcher de laisser échapper un sourire en coin, amusé.

- Je voudrais repartir avec quelques grains de ce que je suis en train de boire, et si vous pouviez me refaire une tasse de cette merveilleuse spécialité d'Éthiopie avec laquelle vous m'aviez délecté la semaine dernière, Arnold, je serais ravi.

Le vendeur leva sa tête, hésitant.

- Oh, oui, j'oubliais. Vous pouvez parler.

L'employé porta la main à sa gorge et hésita une seconde. Se souvint de la commande.

- Bien sûr, Monsieur.

Pfiou. Il les achète. Je ne sais pas pourquoi il pense que je m'appelle Arnold, mais s'il achète de ce café, je veux bien m'appeler Mireille.

- Ce sera tout.

Le faire sortir permettait autant de libérer l'espace de cette odeur de gomina et de produit capillaire bon marché que le Celator peinait à cacher, que d'éloigner les pensées invasives de cet humain.

L'homme en noir attendit que le majordome passe la porte, s'éloigne et s'étira comme un chat.

Le silence.

Enfin.

Le problème quand on peut lire l'esprit des personnes autour de soi, c'est qu'afin de ne pas s'oublier dans la marée qui nous entoure, il faut parfois recourir au silence.

Je savoure enfin le café volcanique seul, c'est la seule chose qui me sustente réellement dernièrement. Cet endroit est le seul en ville à procurer des graines de café supérieures, et j'en ai besoin pour récupérer de l'Attributio.

Le propriétaire sait qu'il ne faut pas me déranger, j'ai le temps.

Je ferme les yeux.

Célestes [En Édition Avant De Reprendre L'écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant