Les yeux rivés sur la vitrine de la petite boutique, je réfléchissais sans vraiment prêter attention à mes propres pensées. La journée touchait presque à sa fin, et plus un seul client n'entrait dans la librairie dont j'étais l'un des seuls employés. La nuit était tombée depuis longtemps, les lumières de Noël s'étaient allumées et il régnait dans la ville une atmosphère tranquille de fête nocturne, malgré le fait que la fameuse fête se déroulait dans plus d'un mois.
Un sourire un peu triste se peignit sur mes lèvres lorsque je réalisais que j'allais passer Noël seul, cette année. Ma mère avait décidé de partir aux sports d'hiver, et je n'avais pas trop les moyens de l'y rejoindre, ce qui lui faisait beaucoup de peine. Apparemment, une nouvelle amie - une certaine Mirutsi ou Mitruki son nom m'échappait - lui avait proposé de se joindre à elle et son mari afin de découvrir le monde fantastique du ski et du snowboard, de la raclette chaque soir et des bains chauds après une journée à geler avec deux morceaux de bois fixés aux pieds. Mon sourire s'accentua alors que j'imaginais déjà ma mère perdue au milieu du paysage blanc, essayant de comprendre à quoi servaient les bâtons qu'elle avait aux mains et ceux qui étaient à ses pieds.
Je portais une affection particulière à ma mère, qui était la personne la plus importante dans ma vie. La dernière qui avait occupé cette place...
Ma mâchoire se serra à ce souvenir et je perdis mon sourire, retrouvant l'expression tristement pensive qui était désormais la mienne.
C'est alors que la clochette accrochée à la porte se fit entendre, me sortant de ma morosité ; je relevais la tête et vis un homme entrer dans la librairie. Ah, c'était M. Komuro, un vrai bibliophile et collectionneur. Un sourire commercial et jovial se colla aussitôt à mes lèvres, et je repris mon rôle de vendeur et conseiller avec une facilité qui me déconcerterait presque - si seulement ce n'était pas ce que je faisais tout le temps.
-Bonsoir monsieur Komuro ! Que cherchez-vous aujourd'hui ? Une première édition, un collector ou bien un livre juste pour le plaisir ? m'enquis-je en m'approchant du petit homme qui m'adressa un petit sourire, content de me voir.
Cela faisait bientôt trois ans que je travaillais ici à plein temps, et je croisais ce petit bout d'homme plusieurs fois chaque semaine. Nous avions fini par nous apprécier : je le considérais presque comme un grand-père et lui comme le petit-fils qu'il avait toujours rêvé d'avoir. Sa femme était toujours vivante tout comme leur fille, mais elle n'avait jamais réussi à avoir d'enfants. C'était une tristesse pour le vieil homme de n'avoir de petits-enfants : pourtant, il semblait trouver chez moi une sorte de substitut, comme si j'étais devenu le petit-fils qu'il avait toujours rêvé d'avoir.
-Oh tu sais Izuku, je suis venu aujourd'hui pour trouver un livre que je suis sûr d'avoir déjà vu ici : il s'agit de La Fusée de Ray Bradbury, en édition spéciale datant de...
Je pris des notes, acquiesçant aux mots du vieil homme. Je savais déjà pratiquement où chercher, mais il se trouvait que je connaissais bien mon client et savais très bien qu'il fallait le laisser un peu parler.
-Je crois savoir où se trouve cette merveille, lui appris-je au détour d'une phrase.
-Tu es vraiment le meilleur vendeur, tu connais cette boutique par cœur ! s'exclama M. Komuro avec un visage rayonnant.
-Je suis simplement le plus ancien, c'est normal que je connaisse bien les lieux, me justifiais-je avec humilité. Enfin, si on ne compte pas Reko - en même temps c'est sa librairie...
-J'ai toujours dit que Reko était l'un des meilleurs libraires de cette ville, et que sa librairie faisait partie des petits bijoux qu'on ne trouve qu'une fois par décennie, acquiesça vigoureusement le vieil homme en secouant tout son petit être par la force de son geste, au point que son chapeau faillit tomber.
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Last Christmas
FanfictionPrès d'un an après une rupture douloureuse, Izuku fait la rencontre d'un jeune homme aux yeux rouges dans la petite librairie où il travaille. Pour lui qui avait décidé de ne plus aimer personne, de couper les ponts avec ses proches et de se morfond...