Obscuras Tome 4 : L'indomptable.

16. Nos cœurs à l'unisson.

Après avoir rapidement nettoyé le sang qui m'acculait mon corps, je me ruai dans les couloirs pour rattraper Rox alors que tout le monde s'attelait à s'activer. Ronan devait rejoindre les ruines du château pour prendre officiellement possession du trône. Cependant, je ne pouvais me résoudre à m'en aller sans avoir eu le temps de parler à la rouquine. De toute façon, il nous restait encore un peu de temps devant nous. M'entendant arriver, Rox s'arrêta afin de m'attendre. Les mots restèrent temporairement bloqués dans ma gorge. J'avais l'impression d'être un revenant auprès de mes alliés. Je m'en voulais d'être partie sans explication, les faisant souffrir à mon détriment. Rox venait de perdre son frère. Je le lui avais ramené alors qu'elle le croyait mort pour qu'elle le voit mourir sous ses yeux. C'était atroce. Je voulais lui demander comment elle se sentait, mais c'est des mots tout autre qui sortirent de ma bouche.

- Je suis désolée.

Rox eut l'air surprise.

- Tu n'as pas à l'être.

- Si... j'ai...

- Non, Eudora, tu n'as pas à l'être. Je sens ta culpabilité d'ici, mais tu as fait ce qu'il fallait faire pour faire évoluer les choses. Je n'ai pas envie que tu viennes t'excuser.

Un nœud se forma dans mon estomac. Rien que ces mots me confirmèrent qu'elle allait mal. Rox avait un regard fuyant, un visage plus fermé et coupait court à la discussion.

- Tu vas mal et je me sens responsable, insistai-je.

La rouquine soupira.

- Tu n'y es pour rien.

- C'est faux, indirectement, j'ai ma part de responsabilité. J'ai disparu des radars sans prévenir personne pour me la jouer solo. Je n'avais pas le choix, c'est vrai, mais la situation reste horrible. J'ai fait croire à ma mort, à celle de tous tes proches et je n'ai même pas cherché à te tenir informée. Et lorsque je reviens enfin, c'est pour t'offrir la vision de ton frère mourant.

- J'étais au courant, Eudora.

J'écarquillai les yeux de surprise.

- Comment ?

- Comme tu l'as dit, j'ai dû faire face à l'exécution de tous mes proches en l'espace d'un court laps de temps. J'étais mal. Evilash n'a pas voulu me laisser dans ce mal-être injustifié. Elle m'a révélée ton double jeu, les fausses exécutions... Contrairement aux autres, je n'ai pas eu à souffrir bien longtemps de ces illusions.

J'en avais le souffle coupé.

- Mais... Pourquoi Evilash aurait-elle voulu te préserver, toi, en particulier ?

Rox s'adossa contre le mur derrière elle et entortilla une mèche de cheveux autour de son doigt, un faible sourire sur les lèvres.

- Elle était proche de Maève. Je parle de la version du présent qui est morte sous ses cendres. Maève était au courant à mon sujet. Avant de mourir, elle lui aurait demandé de veiller sur moi. Evilash m'a pleinement accepté parmi les siens. Je ne me suis jamais sentie comme une étrangère ici.

- Elle a pourtant fait mine de vouloir te tuer par le passé, fis-je constater.

- C'est toi qu'elle voulait toucher. Je ne suis pas sûre qu'elle voulait pleinement me faire du mal.

J'avais l'esprit embrouillé. Mais j'étais rassurée. Rassurée de savoir qu'au moins l'un de ceux auxquels je tenais n'avais pas souffert de mes cachotteries.

- Le plus dur, c'était de savoir la vérité et de ne pas pouvoir la partager avec les autres, reprit Rox. Dernièrement, je me suis beaucoup isolée. Evilash ne voulait pas que je parle de ce qu'il se passait de ton côté afin d'éviter les fuites. Moins de personne en était informé et mieux ta couverture pouvait perdurer. Je le comprends parfaitement. Mais ces mensonges n'étaient pas faciles à assumer, surtout lorsque je ressentais la peine des autres comme si c'était la mienne.