IV

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Lord Simon Hartfield, 23 février 3261, 15h32, Arclif

L'inauguration de la gare a eu lieu la semaine dernière, Alexander a pensé que c'était la bonne occasion pour inviter des amis à passer quelques jours à Arclif.

Les Johnson et les parents de Lady Rose sont arrivés hier, tout comme Mr. et Mrs. Beal et leurs enfants, un garçon et une fille. Tandis que Lady Katherine North est arrivée dans la matinée avec son fils, sa fille et le fiancé de cette dernière, Lord Argent. Cela fait beaucoup de monde dont les hôtes doivent s'occuper pendant toute une semaine, un peu trop de monde qui vient d'un coup briser le calme qui s'est doucement installé à Arclif depuis plus d'un mois, si l'on oublie les cris de guerre poussés par Violet.

***

Tous les invités se sont regroupés dans le salon bleu, celui du piano. Je leur ai tourné le dos, non pas qu'ils ne m'intéressent pas, mais je ne ressens pas particulièrement le besoin de leur parler. Je préfère écouter leurs discussions en restant face à la fenêtre pour contempler le parc, derrière la maison. Un parc plutôt simple, une pelouse bien verte des pluies de l'hiver, çà et là quelques buis taillés en cône, deux pins et une dizaine d'érable de toute sorte. Au fond, un petit étant et derrière lui une forêt. Pour beaucoup, le jardin devant la maison serait bien plus majestueux, avec sa fontaine ses courtes haies soigneusement taillées et ses rosiers. Mais le parc, lui, m'est plus familier, bien que différent des étendues sauvages d'Hartfield, c'est ici que me rappelle le mieux mon île natale.

- Alors, Lord Hartfield. Que vous est-il arrivé depuis que vous nous avez quittés si soudainement en juin ? demande Lady North en arrivant à ma hauteur.

- Si ce n'est la maladie de ma sœur, rien de bien préoccupant ou palpitant. Contrairement à vous, vous semblez avoir trouvé le parti idéal pour votre fille.

- Oui, Maude a été très honorée par cette alliance, comme nous tous d'ailleurs. D'autant plus qu'ils s'accordent si bien. (Nous savons l'un comme l'autre qu'elle ment, tout le monde ici a pu remarquer les regards suspects que portait Lord Argent à Mrs. Beal.) Ne m'en voulez pas trop, mon cher Lord Hartfield, mais il y a un an, à la soirée du solstice d'hiver, vous avez tellement dansez avec Maude, que j'ai cru que vous alliez bientôt la demander en mariage. Croyez-moi Lord Hartfield, cela aurait été très difficile de refuser votre offre, vous un homme si aimable. Seulement, j'espérais que ma fille trouverait un peu mieux qu'un baron, et la voilà bientôt marquise, les dieux soient loués.

Je souris amèrement, je me demande pourquoi certaines personnes ne peuvent s'empêcher de mentir à ce point. Je me dis qu'heureusement, je n'avais aucune envie de demander Lady Maude North en mariage, et qu'au moins la mère se faisait des idées. Sa fille n'aurait jamais eu à m'infliger la honte d'être éconduit.

- Toutes mes félicitations pour votre famille, dis-je.

Je m'en vais aussitôt pour ne pas avoir à continuer cette conversation qui n'est pas des plus agréables. Je quitte la pièce et erre dans les couloirs jusqu'à me retrouver dans la bibliothèque. J'évolue au milieu de toutes ces étagères emplies à craquer d'ouvrages précieux. Je marche jusqu'au bout de la pièce et trouve sous la fenêtre, Violet allongée sur le sol, la tête pencher sur un texte, la lumière du soleil qui perse entre les nuages gris vient se refléter sur sa chevelure dorée. L'instant semble emprisonné dans ce tableau lumineux.

- Vous, n'êtes pas avec les autres ? remarque-t-elle sans même relever les yeux.

- Vous non plus. Où sont les autres enfants ?

Elle se redresse pour s'asseoir adossée contre le mur.

- Venez. (Je m'exécute et m'assoie à côté d'elle.) J'ai échappé à la surveillance des deux gouvernantes, je m'ennuyais tellement. J'aurais voulu emmener Colin avec moi, mais ce n'était pas assez discret.

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