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Lord Alexander Sky, 6 août 3260, 15h05, Château de Greywall

Rose et moi sommes assis sur un banc au milieu des allées des jardins. Aucun de nous ne parle, nous préférons écouter les oiseaux et regarder et saluer les promeneurs qui profitent du domaine ensoleillé.

Je remarque qu'un valet vient à notre rencontre.

- Mr le comte de Swanfield ? demande-t-il essoufflé.

- C'est bien moi.

- Je vous ai cherché partout. Un colis pour vous, dit-il en me donnant le paquet.

- Merci, dis-je en récupérant le courrier.

- De rien, sir.

Il s'incline, avant de partir.

- Je vais y aller moi-aussi, m'informe Rose.

- Voulez-vous que je vous raccompagne ?

- Non, cela ira, merci, répond-t-elle en se levant.

- Dans ce cas, passez une bonne fin d'après-midi.

- Merci cher ami.

Elle part et me laisse seul. Je baisse les yeux sur le paquet et tire sur la ficelle pour le défaire. Je déplie le papier pour découvrir un livre, je l'ouvre pour trouver une lettre qui porte l'écriture de Lord Simon.

Mon cher Alexander,

Je vous suis très reconnaissant de votre cadeau qui a bien rempli son rôle. Je vous envoie donc, moi-aussi, un présent en espérant que vous ne l'ayez pas déjà lu, il paraît que c'est un livre très en vogue. Vous pourrez me dire si cela est mérité, puisque comme vous le savez, je n'ai pas l'habitude de lire des romans.

Je me suis surpris à rougir en lisant vos éloges sur mes talents de musicien, je vous en remercie infiniment, mais vous feriez mieux de vous arrêter si vous ne voulez pas que je perde la raison en lisant toute l'attention que vous me portez.

Vous avez en effet réussi à me rendre jaloux, puisque la description que vous faites de votre femme me fait penser qu'elle est une envoyée des dieux, je ne sais d'ailleurs plus si je suis jaloux d'elle ou de vous. Mais je suis bien rassuré de savoir que danser avec moi vous est bien plus plaisant que danser avec elle (sans vouloir critiquer les talents de danseuse de Lady Rose Sky).

Je suis désolé de devoir vous apprendre que l'état de santé d'Anastasie ne s'améliore en aucun cas. Le médecin ne cesse de répéter qu'elle est au bord du précipice. Bientôt vos lettres seront les seules choses qui sauront me faire sourire un peu. Pourtant, elles me rappellent la distance qui nous sépare et me pèse tellement.

Si seulement vous pouviez imaginer à quel point vous me manquez.

Avec mes sincères sentiments

Simon

Le papier est taché à plusieurs endroits, peut-être de l'eau, peut-être des larmes. Je sens les miennes sourdre aux coins de mes yeux, je ne peux me permettre de pleurer ici. Je range rapidement la lettre entre les pages du livre, me lève et marche jusqu'à mes appartements.

Dès que la porte se ferme derrière moi, je me laisse tomber sur un fauteuil et fond en larmes. Je ressors la lettre la relis, la tache moi aussi de larmes et finis par la froisser entre mes doigts.

La nuit tombe je laisse passer l'heure du dîner. Mon cœur étouffe dans ma poitrine, mes larmes trempent mon visage et tout mon être tremble.

***

23h47

- Alexander, réveillez-vous, dit la voix de ma femme tandis qu'elle pose sa main sur mon épaule.

- Rose... Je suis désolé de vous avoir laissé seule ce soir.

- Ce n'est rien, répond-t-elle en s'agenouillant à mes pieds pour me tenir la main et poser sa tête contre mes genoux. Vous avez pleuré, constate-t-elle. Que dit la lettre ? demande-t-elle en la tirant de mon point pour lisser avant de la poser sur la table basse.

Les larmes recommencent à couler, je souris tristement pour lui répondre.

- Que deviez ressembler à une envoyée des dieux dans votre tenue du bal de mi-juillet.

Elle sourit de la même manière que moi.

- Quoi d'autre ?

- Sa sœur ne s'en sortira sûrement pas.

Sa mine s'assombrit soudain.

- Est-ce cela qui vous met dans un tel état ?

- L'idée de le savoir malheureux me détruit, dis-je dans un sanglot.

- Alexander... souffle-t-elle en caressant ma main.

- Il me manque Rose, il me manque tellement...

Je crois qu'elle ne sait pas quoi dire, elle pose sa tête sur mes cuisses et ferme les yeux.

- Il reviendra.

Je pose ma main dans ses cheveux.

- Oui, mais je sais que ce sera fini. Nous ne pouvons continuez à alimenter le danger permanent qui nous menace. En tout cas, lui ne voudra pas.

Elle se redresse, ouvre un tiroir, en sort du papier, une plume et un encrier pour les poser devant moi.

- Ecrivez, prenez toute la nuit s'il le faut, mais écrivez. Maintenant, si vous le permettez, je vais me retirer.

Je me redresse et la regarde avec un petit sourire partagé.

-Depuis quand me demandez-vous la permission ?

- J'essaye de faire comme le font les couples normaux.

- Croyez-moi, nous ne sommes pas normaux. Et de toute manière, diriger chaque fait et geste de sa femme n'est pas une chose normale.

- Merci.

Je ne sais pas vraiment pourquoi elle me remercie.

- Bonne nuit, réponds-je.

- A vous aussi.

Elle baisse légèrement la tête puis sort.

LordsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant