Our Battlefield - Tome 3 -

Chapitre 3

Le trajet entre New York et New Paltz est toujours trop long à mon goût. J'ai l'impression de perdre du temps et pourtant, je ne me contente pas d'écouter la radio pendant qu'Ethan conduit, bien au contraire.

J'essaye toujours de répondre à mes messages, de jeter un œil à mon agenda pour prévoir ma semaine au mieux. Je me dois d'être organisée pour ne pas laisser mon boulot empiéter sur ma vie personnelle. J'ai tendance à dépasser la durée des rendez-vous prévue avec mes patients. Je déteste les mettre dehors alors qu'ils ont besoin de moi, et inévitablement, je termine toujours ma journée de travail bien plus tardivement que prévu.
Ethan me le fait souvent remarquer. Pas parce que cela l'agace, mais parce qu'il s'inquiète pour moi. Il est très compréhensif, il ne me reproche jamais de passer des heures penchée sur les problèmes de mes patients, mais il me pousse constamment à respecter mes horaires afin que je prenne du temps pour moi. J'ai conscience qu'il a raison, je ne peux pas laisser la vie des personnes que j'aide empiéter sur la mienne. La seule chose qui compte à mes yeux pour le moment, c'est que mon travail n'affecte pas mon quotidien et mon bien-être.

– Tu es sûre que Joe sera là ? me demande Ethan en s'arrêtant à un feu rouge.
– Il m'a assuré que oui. De toute façon, on est à côté. S'il ne vient pas, je vais le chercher. On ne fait pas le déplacement jusqu'à New Paltz pour qu'il nous pose un lapin, affirmé-je.
– Le prochain déjeuner a lieu chez qui ?
– Chez nous normalement.

Il hoche la tête avant de se concentrer à nouveau sur la route.
Je range mon téléphone lorsque je commence à reconnaître les rues. Cela fait plusieurs mois que nous n'avons pas remis les pieds à New Paltz, nos déjeuners ont rarement lieu ici, et même si j'y suis revenue plusieurs fois depuis qu'Ethan et moi avons déménagé, j'ai toujours un pincement au cœur en passant devant l'université.
Je suis incapable d'empêcher les souvenirs, positifs comme négatifs, d'envahir mon esprit. Ils prennent beaucoup de place et je ne sais jamais comment les gérer. Quelques-uns me font sourire, d'autres m'empêchent de respirer et c'est difficile à croire mais, cinq ans après, certains d'entre eux sont encore douloureux.

Nous dépassons le cabinet dentaire dans lequel travaille Joe, puis Ethan gare la voiture sur le parking du restaurant où notre ami nous a donné rendez-vous.
Un endroit neutre, dans lequel je n'avais jamais mis les pieds avant que nous ne décidions de nous y retrouver pour manger, quelques années plus tôt. À l'époque, j'aurais été incapable de retourner dans un lieu que nous fréquentions lorsque nous étions encore étudiants. Trop de choses avaient changé, il manquait trop de monde dans notre petit groupe d'amis et je n'aurais pas supporté une telle épreuve.

Aujourd'hui, cela ne me poserait plus de problème. Je n'ai pas tourné la page mais j'ai appris à vivre avec tout ce qu'il s'est passé. J'ai compris que Maï Ly ne reviendrait plus jamais ici. Nous sommes toujours en contact, nous prenons des nouvelles l'une de l'autre de temps en temps, mais elle n'a jamais réellement fait le deuil de sa jumelle et New Paltz ne fait plus parti des destinations envisageables pour la jeune femme. Je sais qu'Adrian et Agustin ont la vie qu'ils méritent, chacun de leur côté, dans leurs pays respectifs. Ils sont heureux, ils ont une famille et un boulot qu'ils aiment et nous ne nous sommes jamais revus depuis la fin de nos études. Et puis il y a Chase. Je ne sais pas trop ce qu'il est devenu, j'espère simplement qu'il est heureux et qu'il s'est pardonné.
J'ai appris à grandir loin de mes amis. C'est plus difficile qu'on ne le croit, parce qu'ils me manquent tous un peu, mais heureusement pour moi, Joe et Lexie n'ont pas disparu de ma vie.