Our Battlefield - Tome 3 -

Chapitre 10

Mon stylo frappe frénétiquement contre le bord du fauteuil depuis de longues minutes. Un peu ennuyée, je regarde Chase se balader dans le cabinet et explorer la pièce, un peu comme la première fois qu'il est venu. Sauf qu'aujourd'hui, il ne le fait pas pour découvrir ce qui a pu changer dans ma vie durant ses cinq années d'absence, il le fait uniquement pour ne pas avoir besoin de me parler.

Cela fait au moins quinze minutes qu'il est arrivé et hormis le "salut" qu'il a marmonné en entrant dans la salle, il n'a pas prononcé le moindre mot. J'ai tenté d'engager la conversation à deux reprises, sans succès, alors je me suis, à mon tour, murée dans le silence. J'ai cru qu'il finirait par se lasser, mais je me demande vraiment pourquoi il est venu s'il n'a pas l'intention de discuter. Cette situation m'agace bien plus qu'elle ne me désespère. Je suis épuisée par ma journée de travail, j'aurais pu rentrer chez moi, retrouver mon petit ami et profiter de la soirée pour me reposer. Au lieu de cela, j'attends que Chase se décide enfin à rompre le silence et à communiquer. Et je commence à douter qu'il le fasse avant le lever du soleil demain matin.

- Viens t'asseoir, soufflé-je bien plus froidement que je ne l'aurais voulu.

Surpris par mon ordre si soudain, Chase pivote vers moi. Je le vois hésiter, comme si s'installer sur le fauteuil en face du mien lui demandait un certain temps de réflexion et un courage immense. Il a plutôt intérêt à me dire ce qu'il lui arrive parce qu'après la longue journée qui vient de s'écouler, ma patience a été ébranlée et s'il s'amuse à la mettre davantage à l'épreuve, je pourrais bien dire des mots que je regretterai demain.

- Sincèrement, j'ai autre chose à faire de ma soirée que de la passer à t'observer, insisté-je. Alors assieds-toi, que l'on puisse enfin débuter ce pour quoi tu es venu, s'il te plaît.
- Je n'ai pas envie de parler, pas aujourd'hui, marmonne-t-il.
- Je m'en fous, Chase. Ce n'est pas à la carte. Je me suis libérée pour toi et tu es venu, ne nous fait pas perdre du temps à tous les deux.

Il soupire, bien trop fort pour que ce ne soit pas délibérément fait exprès, et presque à la limite de la provocation. L'ambiance est tendue entre nous et il est certain que sa soudaine colère de la veille, clairement dirigée contre moi, n'y est pas pour rien. Il s'est passé quelque chose. Je ne sais pas encore quoi, mais j'ai bien l'intention de le découvrir.

- Tu souhaites discuter d'un sujet en particulier ?
- Pas vraiment.

Il ne saisit pas la perche que je lui tends. Il se laisse tomber dans le fauteuil et, avachi au fond de celui-ci, il croise les bras sur son torse et évite mon regard. Il a l'attitude d'un gamin à qui l'on a refusé un jouet, mais également le comportement d'un enfant furieux. Et j'ai comme l'impression que c'est l'option deux qui l'emporte haut la main.
Il m'en veut, c'est évident.

- Ok, dans ce cas, laisse-moi aiguiller un peu la discussion. Tu peux soit me parler de ce qui t'a traversé l'esprit hier soir et des raisons pour lesquelles tu es subitement sorti, ou tu peux évoquer ton père plus en détails, proposé-je.
- Et si les deux ont un lien ?
- Tu vas me faire croire que tu pensais à ton père pendant l'apéro ? Alors qu'on parlait de la collègue de boulot de Joe ? demandé-je en haussant un sourcil.
- Quel est le rapport ?
- Tu t'es énervé alors qu'on discutait d'Abby, je ne vois pas ce que ton père ferait dans cette histoire.
- Tu crois que je suis sorti à cause de Joe et de cette meuf ?