Chapitre XI : Le dernier jour avant la fin du monde

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Les pavés de la cité étaient tous couverts de corps en décomposition et d'ossements entourés par des nuées de mouches. Les larves et les vermisseaux grouillaient sur les dépouilles afin de les dénuder de leur chair. Dans l'air, une odeur de sang, de cendre et de putréfaction régnait. Sous un brouillard de fumée, de la poussière dansait entre les arches et les toitures des bâtiments. Sous cette brume infernale, le claquement des sabots retentissait contre ce tapis de chair. La garde royale trottait dans les ruelles comme une ombre cuirassée. Sur la croupe et les reins des chevaux, des femmes et des enfants se débattaient en vain. Tous étaient ligotés. Parmi leurs cris et leurs pleurs, une voix impérieuse éclata :

— Taisez-vous, nous y sommes presque !

Le torse gonflé comme un coq, le roi se tenait au milieu de ses soldats et de tous les captifs. Sur son cheval bardé, il maintenait les rênes et la cadence de cet escadron noir.

— Bientôt, vos lamentations ne seront plus qu'un mauvais souvenir !

Dès que ses paroles se propagèrent, un silence macabre s'empara du cœur des prisonniers. Tous savaient la sentence qui les attendait. Mais aucun n'osait riposter. Couvertes de cadavres et de cendres, aucune allée n'était épargnée par la présence de la mort. Sur l'artère principale de la cité de Roc-Phénix, le sol ressemblait à un champ de bataille calciné. Toutefois, personne ne semblait affecté par cette horreur. Dans un monde gouverné par un monstre, la monstruosité était devenue banale... La tête haute, le roi ne baissait jamais son regard. De même, le chanfrein métallique de sa monture scintillait et ses sabots piétinaient les dépouilles sur son passage.

— Hâtez-vous !

À ses ordres, tous les soldats se ruèrent auprès de lui sous un vacarme de fer et de buée. Le souffle des chevaux se mêlait au sifflement du vent et aux rayons de la lune. À la tête de sa garde, le roi les guidait à travers les cadavres entassés. Puis d'une autorité inébranlable, il mena sa troupe sur le pont-levis. Tout comme le reste de la cité, la rivière de sang autour de la muraille était couverte de dépouilles. Le dos droit, le roi ne baissa pas une seule fois le regard. Malgré tout, ses hommes et les prisonniers tremblaient à mesure qu'ils s'approchaient. Lorsqu'ils traversèrent le pont-levis, un voile de fumée pourpre les enveloppa. À l'intérieur de la cour du château, des arches et des colonnes gothiques les encerclaient. À cet instant, tous s'immobilisèrent. Devant eux, un soleil irradiait les ténèbres...

Je vois Adam gisant au sol

Je vois Ève gisant au sol

Du premier au dernier, tous seront damnés

Un flacon de sang et un corps d'éléphant

Même les souris ne peuvent plus se cacher ;

Au feu ! Au feu !

Je vois le père gisant au sol

Je vois la mère gisant au sol

Je vois l'enfant gisant au sol

Priez pour vos péchés, je vais tous les laver

Une gamelle d'ossements et un chien errant

Même les loups ne peuvent plus s'abriter ;

Au feu ! Au feu ! Au feu !

Je vois la princesse gisant au sol

Je vois le prince gisant au sol

Je vois la reine gisant au sol

Je vois le roy gisant au sol

MiséricordeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant