Chapitre XIII : Le péché du prince

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Au cœur de la forêt, un être solitaire vagabondait entre les chênes et les sapins. Sous un toit d'épines et de neiges, le vent sifflait entre les rameaux pour se glisser à l'intérieur de son chaperon. De près comme de loin, il s'apparentait à un simple pèlerin. Cependant, les voyageurs évitaient la nuit comme la peste. Les pas légers et le souffle embué, il se pencha pour éviter les branchages qui couvraient l'entrée d'une chaumière croulante entre les bosquets, il frappa contre le marteau de la porte. Sous le couinement des charnières, un aubergiste aux yeux bandés et au tablier couvert de potage apparut. Puis, doucement, il le renifla en approchant son long nez de ses mains et de son visage.

— L'odeur de l'or et du vice... je pourrais la reconnaître entre mille mon seigneur !

— Je vous prie d'abréger.

— Bien, alors soyez le bienvenu chez les âmes perdues !

D'un coup d'épaule, il le bouscula avant de braquer son regard vers un nain assis sur un tabouret. Apparemment, il n'était pas seul pour la nuit. Mais alors qu'il allait se rendre vers la table la plus éloignée, le tavernier accrocha sa main décharnée à son épaule.

— Vous avez omis de passer votre commande.

— Donnez donc vos rognures aux rats qui se tapissent sous le plancher ! Je ne toucherai point à une seule croûte de votre pitance !

À la suite de ses vociférations, l'aubergiste cracha sur le plancher avant de décrocher sa serre. Toutefois, il n'en avait pas encore terminé avec lui.

— Tâchez de surveiller vos manières, messire. Dans le repaire des âmes perdues, nous sommes tous des frères.

Les poings serrés, il fit craquer sa nuque. Puis d'un assaut virulent, il se jeta sur le tavernier avant de le plaquer contre le mur.

— Regardez-moi dans les yeux ! fulmina-t-il en lui retirant son bandeau. Ai-je l'air d'être votre frère ?

— Je n'en sais rien. Je suis aveugle...

— Sachez que si je deviens roy, je brûlerai cette forêt, cette chaumière et je vous crucifierai sur le toit avec vos orteils dans la bouche !

Le souffle court, l'aubergiste hurlait comme une bête de boucherie. À bout de souffle, il s'écroula au sol et son client lui écrasa le crâne avec la semelle de sa botte. Auprès des bougies vacillantes, celui-ci avait fière allure. Et, malgré son capuchon et sa cape en laine, sa prestance illuminait toute la salle. À la vue de tant d'agitation, une ombre se leva pour l'applaudir :

— Bravo, bravo, bravo !

— Qui vous a permis d'applaudir ? protesta-t-il avant de retirer son capuchon pour laisser apparaître sa longue crinière noire.

— Oh, pardonnez mon erreur. Peut-être auriez-vous préféré que je vous appelle mon roy ?

À cette question, le visiteur se figea et ses traits se troublèrent. Auprès des bougies, le nain s'approchait de lui. Affublé d'un costume bicolore et garni de grelots, d'une collerette dentelée et de chaussures pointues, il était aussi petit qu'un enfant de huit ans. Néanmoins, il portait une moustache. À la vue de ce bouffon, le visiteur se cabra comme un palefroi.

— Approchez d'un pas de plus, et je vous tranche la gorge ! clama-t-il en dégainant une dague en argent.

— Oh, n'ayez crainte. Je désire simplement converser avec vous.

— Déguerpissez ! Je ne supporte point votre laideur !

— Même la laideur d'un alchimiste ? chuchota-t-il en collant ses moustaches auprès de ses oreilles.

MiséricordeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant