Chapitre VII

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- En avant vers l'aventure !

Hurla circé, perché au dessus de son véritable corps encore endormi. Télémaque lui fit un croche patte audacieux afin de la faire tomber malgré ses muscles proéminents.

- La ferme Circé. Je dors.
- Tu dors trop longtemps, ce matin on se lève et l'on part à l'aventure ! Au passage permet moi de te complimenter sur cette prise de judo. Je veux apprendre à faire ça.

Télémaque se retourna deux fois sur lui même avant de pester et d'ouvrir les yeux.

- Bon. Tu as gagné. Que veux-tu ?
- Lèves-toi ! Nous nous rendons en Grèce.
- Nous allons sur l'Olympe à nouveau ?
- L'Olympe est à Rome. Nous nous rendons ailleurs.
- Combien d'amis aux pouvoirs louches possède-tu ?
- Des tas. Et l'un d'eux saura nous aider. Allons-y.

Elle emporta Télémaque sur son épaule alors qu'il se débattait en réalisant que c'était inutile et que son corps d'origine remportait haut la main sur le corps de Circé. Vu qu'il ne pouvait atteindre le grimoire, il était vraiment juste un perdant à l'heure actuelle et dû suivre la jeune fille au doigt et à l'œil.
Debout à regret, Télémaque commença son cirque du matin. Il voulu jouer au grand séducteur sans réaliser qu'il n'était plus tout à fait dans son corps de charmeur.

- Mac, le fait que tu essaie ta drague poisseuse depuis mon corps est complètement absurde. Ça fonctionnerait sur ton cousin Narcisse, pas sur moi.
- C'est pas mon cousin ! Mais tu n'as pas tord. Je devrais plutôt te placer en face d'un miroir et te susurrer des trucs à l'oreille.
- Abandonne tout simplement. Nous avons mieux à faire aujourd'hui. En route !

L'excitation de Circé et le visage ennuyé de Télémaque renversait un peu la situation. On aurait dit que, chacun dans le corps l'un de l'autre, ils s'habituait à vivre comme l'ancien propriétaire du corps le faisait.
Circé traîna son acolyte jusqu'au port, où il se mit à faire la grimace plus que d'ordinaire.

- Attend Circé, tu es sure que t'as besoin de prendre la mer pour te rendre chez ton ami ? On pourrait très bien prendre le bus ou l'avion si on doit traverser l'océan mais un bateau tu es sure de toi parce que moi non...
- Tiens donc le grand prince a peur de l'eau ? Tu n'as pas le choix, on doit prendre le bateau pour aller voir ce vieux grigou.
- Tu m'as emmené chez Hadès la première fois, nous rendons nous chez Poseidon ?
- Ah non les poissons très peu pour moi. Nous allons voir quelqu'un d'autre mais pour se rendre sur son île, il faut d'abord se perde.

Sans trop comprendre, il ne put réfléchir plus et fut emporté sur un gros bateau de croisière. Le stress dégoulinant le long de ses tempes, c'était la première fois que Circé se moquait ouvertement de lui et avait l'impression de ne pas être en présence d'un homme manipulateur et menteur comme elle en connaissait bien trop.

- Allez Mac, explique moi! On va passer huit heures sur ce bateau alors tu ferais bien de délier ta langue maintenant où je vais me moquer de toi un long moment.
- Tu m'agaces, sorcière sans pouvoir. Soit, mais ce n'est pas une histoire très passionnante.
- Elle le sera forcément puisque je ne la connais pas.
- J'ai pris la mer à mes 14 ans. Pour retrouver Ulysse.
- Ça oui, je l'ai.
- Bon mais combien de temps j'ai passé en mer ? Seul sur un bateau sans rien à boire ? Seulement de la poiscaille à manger ?
- Oh. Traumatisme te voilà. Il est vrai que je n'y avais jamais pensé. Tu es resté une éternité en mer.
- Quatre ans. J'ai compté ces putains d'années. Après ça, j'ai erré deux mille ans sans chaussures. Tu imagines ?
- Et bien, ça ne fait qu'une semaine qu'on a échangé mais je commence déjà à comprendre. Surtout que tu n'as pas dû juste marcher sur des tatamis depuis.
- En effet, non. Et puis mes pieds se sont habitués depuis. Au début c'était horrible! Je saignais et tous les jours, je marchais sur mes plaies et mes cloques. Bref, les bateaux, les cailloux, tout ça, j'en ai assez vu.
- Bien, alors celui ci est tout équipé. Le seul problème sera sûrement quand on devra descendre.
- Pourquoi ça ?
- Vu ton angoisse grandissante je ne te le dirais qu'une fois à bord. En route. J'ai choisi une croisière de luxe, de quoi te réconcilier avec l'océan.
- Je n'ai même plus envie de me plaindre. Juste de te demander comment tu fais pour te payer ces trucs ?
- C'est très simple, je fraude. J'ai vécu 2000 ans, rien n'est impossible pour moi, avec ou sans pouvoirs.
- Impressionnant.

Il sourit d'étonnement et suivit Circé presque avec excitation. Lui aussi avait envie d'avoir de tel talents, même si l'idée d'être un criminel a toutes les époques ne l'enchantait pas vraiment.

- Dis moi Circé.
- Oui Télémaque ?
- Ça fait quoi d'être le méchant de l'histoire ?

Circé leva les yeux de ce qu'elle était en train de griffonner. Elle fronça un sourcil, pas sûre de comprendre. Il prit ça comme un invitation à s'expliquer.

- Et bien oui, enfin je ne veux pas t'offenser, moi je t'apprécie mais il n'en reste pas moins que dans ton histoire, tu fais partie des méchants...

Elle sembla réfléchir un certain moment. Elle soupira soudain et se frotta le visage.

- Tu as raison, Prince. Ah... comme il est dur de l'admettre. On a jamais voulu que ça se passe comme ça.
- On ?
- Nous, les méchants, comme tu nous appelle. Les nuls qui finissent morts ou souillés dans l'histoire. On n'a jamais réellement choisi cette vie. Tu crois qu'Hadès se réjouit dès qu'une âme passe le Styx ? Ce pauvre cabot pouilleux pleure tous les soirs dans sa solitude mortelle.
- Le roi des enfers ?
- Oui Télémaque. Nous ne sommes pas différent des héros comme ton abruti de père. Nous avons des bras et des jambes, des yeux et une bouche. Comment se fait-il que nous nous retrouvons du côté sombre de la balance ? Et bien, les héros n'en sont jamais sans vilain à éradiquer.
- Tu veux dire que... tu es telle que tu es à cause du destin ?
- Je ne l'appellerai pas destin. Prenons Hadès par exemple. Lorsqu'il est sorti du ventre de son père, lui et ses frères, Zeus a constaté que son grand frère était un peu... retardé. La vie dans l'estomac de Chronos n'a pas été un moment agréable pour lui. Traumatisé et terrifié à l'idée que son père se réveille, Hadès se renferme sur lui même. C'est la que le petit dernier, puissant et malin Zeus, eut une idée pour se débarrasser des restes de cadavre de son père et de son frère perturbé. Il lui propose un royaume, rien que pour lui. Gigantesque, calme, Zeus offre une couronne à Hadès. Ce dernier, ignorant toute autre information, accepte et met cette couronne sur sa tête.
- Il devient alors le roi des enfers.
- Exactement. Et une fois entraîné sous terre sans lumière, seul, sans visite de personne, il réalise que son frère l'a placé ici pour accueillir les morts. En effet, les morts sont généralement très calmes, Zeus avait su être très malin avec cette information. La seule chose qu'il avait volontairement omis de préciser, c'est qu'il avait besoin d'enfermer leur père au tartare, et qu'il voulait que quelqu'un ai un œil sur lui. Alors, effrayé à la simple évocation de son père, voilà qu'il se retrouve à dormir à côté de lui. Depuis c'est un dieu craint de tous, alors qu'il aimerait juste avoir de la visite pour l'heure du thé.
- Alors tu ne blaguais pas quand tu disais que tu prenais le goûter avec lui.
- Absolument pas. Puisque le reste du monde ne veux pas de nous, nous ne voulons plus du reste du monde. Et nous avons beaucoup de points communs alors nous nous entendons à merveille.
- Et toi ? Quelle est ton histoire ?
- Moins passionnante. Je suis juste amer d'avoir passé des siècles enfermée sur mon île, dans le seul but de recevoir le grand Ulysse. Je suis traitée en paria à chaque fois que je pose un pied sur l'Olympe et je n'ai jamais pu regarder mon père sans mourir brûlée. Le destin, comme tu l'appelles, ne m'a en effet pas prit sous son aile. Tu nous appelles les méchants, je trouve qu'on est juste des incompris.
- La vie en Grèce est faite pour les héros. Pas leurs enfants. Pas les pauvres boucs émissaires autour.
- On est pas si mal, entre nous. Bien qu'on pourrait penser à des complots maléfiques, c'est simplement qu'on a personne d'autre au monde.
- Et bien moi, j'aimerais beaucoup être ami avec les méchants, comme je dis. J'en ai assez des histoires de héros toujours parfaits.
- Ils te boufferaient tout cru, les « méchants ».

Son sourire en coin fut contagieux et elle poussa l'épaule de Télémaque.

À Circé, deux millénaires trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant