Chapitre VI

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Télémaque et Circé avaient quitté l'Italie deux jours plus tard, toujours aussi enchaînés et leurs âmes dans le mauvais corps.
Circé était toujours bougonne et sur les nerfs quand Télémaque la taquinait sur la situation mais hormis cela, elle restait étonnamment calme en sa présence.
Lui aimait toujours la voir fumer des oreilles, bien qu'il était désormais très respectueux du corps de la demoiselle depuis leur conversation au coin du feu. Il ne l'abîmait pas, ne touchait pas partout comme un immonde pervers et ne faisait aucune réflexion déplacée. Enfin jusqu'à ce qu'il descendent de l'avion.

- Aïe!
- Circé, fais donc attention avec mon corps ! Tu n'as de cesse de te cogner partout depuis que nous avons échangé !
- Ce n'est pas de ma faute si, avec vingt centimètres en plus du jour au lendemain, j'ai du mal à trouver mes repères ! Ton centre de gravité est presque au niveau de ma poitrine !
- 25 centimètres ! Tu es radine vraiment.
- 20 seulement. Je porte des chaussures compensées.

Ils se jetèrent un regard de défi et Télémaque sourit.

- Circé, tu as déjà vu deux femmes coucher ensemble ?
- Non ! Pourquoi me pose tu cette question ?
- Et bien... ce n'est pas parce que je suis dans ton corps que je n'ai pas... de besoins.
- Télémaque, si ton but est d'assouvir un de tes plus grand fantasmes a l'aide de mon corps la réponse est non. Que dirais-tu si je m'en allais séduire des hommes dans ton corps ?
- Je dirais amuse toi bien ! Mais rappelle toi, si tu es moi tu suis mes règles. C'est mon corps au dessus et rien d'autre.
- Tu pourras vérifier de toute façon, si l'on est enchaîné, ce qui je l'imagine bien, est un autre de tes fantasmes.

Il leva les sourcils à plusieurs reprises, la faisant rouler des yeux.

- Si tu ne veux pas que j'utilise ton corps avec quelqu'un d'autre, alors essayons tous les deux.
- Si c'est ainsi que tu t'es adressé à la reine de l'Olympe, je comprend qu'elle t'ai maudit.
- Allez Circé ce serait super marrant dans le fond, on ne saurait plus vraiment qui est qui.
- Ce serait très étrange, et pas très marrant.
- Moi ça me retourne le cerveau. En plus on ne l'a pas fait en étant dans le bon corps, ce qui veux dire que ce serait vraiment une première expérience unique.
- Tu veux me faire renouer avec les hommes ou juste me terroriser à vie ?
- Pardon. Mais penses-y. Les hommes te font peur mais aujourd'hui, c'est toi l'homme.

Il chuchota la dernière phrase et Circé réalisa pourquoi les hommes s'arrêtait sur son île. Son ego en parfaite santé après ce constat de son charme naturel, elle suivit son propre petit corps filiforme depuis sa cage de muscles bronzés et prit la direction de l'appartement. Sur le chemin, bien que ce soit son corps qu'elle abîmait, elle prenait un malin plaisir à balader Télémaque de droite à gauche, le faisant se cogner au lampadaires et le trainant comme un boulet de prisonnier à travers les rues. Une fois à l'appartement ce dernier rumina.

- J'ai compris la leçon Circé. Tu n'apprécies pas d'être un baluchon humain.
- Non, en effet. Mais je vois tout à fait pourquoi toi tu adores me trimbaler en tous sens. C'est si amusant !

Ses yeux pétillèrent d'étoiles et virèrent au doré, au grand désarroi de Télémaque.

- C'est marrant ce que ton âme fait.
- Que fait-elle, mon âme ?
- Elle change la couleur de tes yeux en fonction de ton état d'esprit. Je ne pensais pas que ça fonctionnerai depuis mon corps. Les yeux bleu me vont drôlement bien.
- Je fais ça moi ? Demanda-t-elle les joues rouges.
- Oui, tu n'avais jamais remarqué ?
- Non. Il faut dire que je ne peux voir mes propres yeux. Et que je ne passes pas mes journées devant un miroir comme d'autres le font certainement.
- Je ne suis pas Narcisse !
- Mais c'est un cousin éloigné, non ?

Il lui tourna le dos, la faisant rire franchement.

Elle alla se doucher, Télémaque dans une autre pièce, le bras tendu à travers la porte.

- Ton corps est si gros! Et tu es trop peu flexible. Je n'arrive pas à atteindre tous les endroits de ton dos.
- Laisse-moi donc t'aider, tes petites mains pourront certainement atteindre tous les recoins sombre de ma musculature...
- Tu es dégoûtant. Essaye de penser aux étirements la prochaine fois avant d'aller te coucher.
- Je n'en ai pas besoin! Il y a toujours une jolie demoiselle pour s'occuper de cela pour moi.
- Goujat.
- Prude.

Ils rirent chacun de leur côté. A l'heure actuelle, l'un et l'autre incarnaient véritablement ce qu'ils pointaient toujours du doigt chez l'autre.

- Dis Circé.
- Oui ?
- Ça te fais quoi d'être dans mon corps ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Bah comment te sens tu ? Comme un vrai homme ?
- Tu sais Mac, je ne pense pas qu'il suffise d'un corps immense et gonflé pour être un homme. Ça se passe dans la tête. Je peux te l'assurer.
- Ah... j'en étais sûr.
- De quoi étais-tu si sûr ?
- J'ai beau faire tous les efforts du monde, je reste un raté. Mon père était un héros. Et moi je suis Télémaque, le fils pourri du roi d'Ithaque. Je vaux rien et depuis toujours la Grèce me le fait bien comprendre.
- C'est pour ça que tu as quitté Ithaque en vrai ?

Elle était sortie de la salle de bain et s'était assise dos au mur, juste à côté de Télémaque, brisant la petite distance qu'ils pouvaient pourtant s'octroyer l'un envers l'autre.

- En partie. Je veux dire, j'ai vraiment eu l'intention d'aller chercher mon père à l'époque. Mais la haine des gens de mon pays fut l'élément de trop qui me poussa, sur un coup de tête, à prendre la mer.
- Compréhensible. J'aurais fait pareil si je n'avais pas eu de pouvoir permettant de transformer les gens en cochons.
- Bien dit. Bon, apprends moi ton sort de nettoyage, que ton corps puisse rester propre tout de même.
- Tu ne vas pas sous la douche ?
- Non, il m'a semblé que cela te dérangeait vraiment, je ne souhaite pas te mettre mal à l'aise plus que cela. Te faire rougir et bégayer est amusant, mais ton embarras est trop visible dans cette situation. Ça ne me fais pas plus rire que toi.
- Et bien Télémaque, lorsque tu agis ainsi et que tu respectes mon corps et ma façon de penser, sache que tu en es un, d'homme.

Elle se leva pour chercher son grimoire, Télémaque tout sourire, se leva à sa suite.

- Ça veux dire que l'on peut coucher ensemble ?
- Ne gâche pas tout fils... Télémaque. Ne gâche pas tout.

Il rigola et lui poussa l'épaule. Elle lui présenta son grimoire, un carnet en mauvais état et bondé de feuilles et objets en tout genre. Il ne put s'empêcher de le saisir en un instant et de le feuilleter sans délicatesse.

- Fais attention ! Ce n'est pas parce que tu as mes mains de femme que tu ne peux pas le détruire. J'y tiens beaucoup.
- Excuse-moi. Alors je peux faire tout ces sorts ?
- Non. La plupart sont des sorts que je faisais sur mon île. Je les ai noté ici afin de ne pas les oublier. Tiens voici celui pour la propreté.

Elle lui pointa une ligne rédigée comme un brouillon. Il grimaça et elle dut lui expliquer et détailler tout le processus. Évidement, la magie ne s'apprend pas en un instant, tout comme Rome ne s'est pas construire en un jour. La nuit qu'il passèrent fut donc parsemée d'éclats de rire et d'explosion en tout genre.
Plus leurs rires emplissaient la pièce, plus la chaîne s'amassait entre eux, toujours invisible à l'œil nu, mais repérable à la distance qui pouvait les séparer.

À Circé, deux millénaires trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant