Chapitre XIV

1 1 0
                                    

- Eh Circé ?
- Quoi encore ?
- C'était quoi ta pire mort ?
- Tu vas trop loin.
- Désolé. J'essaye de me rapprocher de toi. C'est pas facile vu comment tu es fermée comme une huître. Je dois toujours te poser ces tas de questions, c'est agaçant pour moi aussi.
- Alors ne les poses pas.
- Si. Parce que ça m'aide à te connaître un peu derrière tes masques de clown, tes déguisements et ta carapace incassable. Et bien que j'ai l'air d'un idiot, je cerne très bien les gens avec quelques informations.
- Tu veux donc dire que tu m'analyses ? Tu pars pas du bon pied doc, fais gaffe.
- Je veux dire que j'essaye de comprendre pourquoi tu es comme tu es et j'agis en conséquence. Par exemple, je sais que mes blagues de bouffon te font rire, mais les questions qui ramènent ton passé sur la balance te mettent mal à l'aise, alors j'évite, même si je crève d'envie de savoir pourquoi tu détestes tout ce que tu as laissé derrière.

Elle ne répondit rien. Ils étaient retournés sur le pas de la porte. Télémaque ne chercha pas à poursuivre. Bien qu'il portait de l'intérêt à Circé, il perdait l'envie de toujours faire tous les efforts du monde pour lui lâcher seulement un mot ou deux.

- Je rentre, il fait trop chaud.
- C'était mon avant dernière mort la pire. C'était en 1973.

Télémaque se bloqua dans son mouvement et tenta de se rassoir à côté d'elle le plus calmement possible. Je retire tout ce que j'ai dit, pensa-t-il, tous les efforts du monde ne sont même pas assez pour ça !

- A cette époque, la guerre froide battait son plein et l'espionnage était à son apogée. J'étais née en Russie dans cette vie là, me retrouvant au service de la nation bien trop tôt. Étant bien plus talentueuse que tous mes camarades de classe et tous les soldats avec qui l'on s'entraînait, on m'envoya en mission spéciale avec le KGB. Je suis devenue un espion. J'ai débarqué sur le sol américain avec des faux papiers et une fausse maman qui était elle aussi une espionne. On demandait l'asile. Une fois sur place, j'ai suivi une vie normale pendant quelques années, puisque le gouvernement avait un œil sur nous et tous les étrangers qui mettaient le pied dans le pays. A cette époque j'ai rencontré un garçon, adorable. Il était riche, partageait toujours ses goûters avec moi et m'invitait dans sa piscine lorsqu'il faisait chaud. A mes 16 ans, l'espionne qui me servait de mère a dit que je devais quitter l'école. Fini la rigolade, place au boulot. On s'est donc mis à faire ce pourquoi on était venues. Au début tout allait bien. Et puis il y a eu cette mission. On nous a appelé pour un gros coup, des plans de bombe atomique et tout. J'y suis allée, l'espionne russe me couvrait. Sur place, j'ai découvert que c'était une mise en scène. Elle s'est fait descendre une balle dans la tête. Moi, je me suis retrouvée dans un traquenard, des hommes armés partout autour de moi. Avec deux mille ans d'expérience au combat, ils ne faisaient pas le poids. Mais en arrivant là où je voulais arriver, un seul garde m'attendait. Il avait retiré son casque et était assis sur la caisse en bois qui contenait les plans. A l'instant où je l'ai vu, je l'ai reconnu. C'était mon copain d'école. Il s'est levé, a marché vers moi, m'a regardé dans les yeux et m'a dit « tout faisait partie du plan, depuis le début. Je n'aurais jamais pu aimer quelqu'un comme toi, que pensais-tu ? ». Et il m'a tiré dans le cœur.
- Waouh...
- Lorsqu'il a tiré, je venais déjà de mourir après ce qu'il avait dit, je n'ai donc pas vraiment souffert de cette mort. Mais c'est pour ça, elle fait le plus mal, parce que c'est elle qui m'a fait le moins souffrir.
- Je...
- Allez, amuse toi bien à analyser ça doc, je vais me reposer.

Elle lui tapota l'épaule et rentra dans la maison, ne laissant pas à Télémaque, bouche grande ouverte, le soin de prononcer le moindre mot.

Pendant ce temps, sur l'Olympe, Héra observait la scène avec du raisin, le popcorn des Dieux. Le roi lui rendit visite et sa curiosité l'incita à demander à sa femme ce qu'elle faisait.

À Circé, deux millénaires trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant