1. Rencontre

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Point de vue (pdv) de Lynn Smith








Il était dix-huit heures, et je venais tout juste de finir de me laver à l'eau glacée, pour changer.

Je sortis à la hâte de cette minuscule salle de bain, qui avait tendance à dégager une odeur nauséabonde à cause des vieux tuyaux de canalisation, ce qui avait le don de me donner la nausée.

Je rentrais dans ma chambre, enfin si je pouvais appeler ça une chambre. Entre les taches d'humidité et la petitesse de la pièce, j'avais du mal à la qualifier ainsi.

Je faisais encore une fois abstraction du décor, et j'étais en train d'enfiler un vieux pull en laine et un jean troué, quand j'entendis soudainement la douce et mélodieuse voix de mon oncle qui s'élevait à travers le couloir.

Bonjour le sarcasme.

La réalité était tout autre, en vérité, j'étais dégoûtée à entendre ne serait-ce que le surnom immonde qu'il me donnait. Je terminai rapidement de m'habiller, sachant pertinemment que si je n'étais pas là dans la minute, il allait encore s'énerver.

J'arrivai dans le salon d'un pas las, et il tourna brusquement la tête en m'entendant arriver.

— Putain t'en as mis du temps ! s'exclama-t-il d'un air agacé.

— Je mettais mon pull, répondis-je déjà soûlée par ses sautes d'humeur.

— Ferme ta putain de gueule ! s'écria-t-il en serrant les poings. Maintenant tu vas me suivre bien gentiment comme la bonne fille que tu es.

J'acquiesçai d'un mouvement lent de la tête, trop habituée par son agressivité devenue redondante, et son vocabulaire grossier. Il m'attrapa subitement le bras, en me tirant jusqu'à sa voiture avec une telle douceur que je crus qu'il allait se déchirer. Il s'arrêta devant l'épave qui lui servait de véhicule, et me jeta négligemment à l'intérieur avant de claquer violemment la portière.

J'expirai tout l'air que contenaient mes poumons, calmant mon rythme cardiaque effréné.

Ne craque pas. Ne craque pas. Ne craque pas.

Me taire et obéir étaient les deux seuls mots d'ordre qui cadençaient mon quotidien morbide, résumant ma triste vie à celle d'une chienne docile.

Tellement dégradant.

Cela devait faire plus d'une quinzaine de minutes que j'étais assise dans cette vieille voiture, qui roulait vers une destination qui m'était inconnue. Je regardais le paysage défiler sous mes yeux, ne reconnaissant pas le moins du monde le décor aride, tout en me demandant où est-ce qu'il pouvait bien m'emmener. Ce n'était clairement pas dans ses habitudes de me faire sortir de sa miteuse baraque.

— On va où ? osai-je demander en ayant l'espoir qu'il me réponde.

— Tu n'as pas besoin de le savoir, contente toi de te la fermer salope, m'ordonna-t-il d'un ton dur.

...

Mon oncle se gara négligemment devant l'entrée d'une grande maison. Je n'en avais d'ailleurs jamais vu d'aussi belle, les façades étaient blanches sans aucune trace, et l'herbe était taillée au millimètre près. Sa petite Peugeot 108 rouillée faisait bien tache au milieu de tout ce luxe. Il sortit de la voiture et ouvrit ma portière en me gueulant « bouge de là ».

John me poussait violemment pour que j'avance plus vite, je titubai et manquai plusieurs fois de m'écraser sur le sol. Nous arrivâmes enfin devant la porte d'entrée, et la villa me semblait dix fois plus grande et luxueuse vu de près.

AmorceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant