XIV. premiers flocons

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Le ciel commence à s'assombrir doucement. Je suis couché sur le lit d'Eiji. Il se douche dans la salle de bain, la pièce juste à côté. Les gouttes d'eau pleuvant sur la baignoire sont audibles depuis ici. C'est une berceuse rassurante.

Je suis vraiment soulagé que cette journée soit terminée. Elle n'était certainement pas de tout repos...

Qu'est-ce que j'ai honte de moi. J'ai causé la pagaille avec une susceptibilité que je ne me connaissais pas... J'espère qu'Eiji a bien compris qu'il ne s'agissait pas de sa faute, mais de la mienne.
Quoi qu'il en dise, c'est toujours de ma faute, quand il se passe quelque chose de mal entre nous, j'ai l'impression. Quel idiot je fais.

J'ai peur qu'il se lasse de moi. Peut-être que j'en fais trop, ou que je vais trop vite, concernant notre relation ? La charge émotionnelle est élevée, je sais pas si j'arriverai à empêcher les débordements, si ça continue comme ça. Peut-être qu'il nous faudrait un peu plus d'espace.

De l'autre côté du mur, l'eau arrête de couler.

Je ne saurais expliquer à Eiji comment je me sens. Mes idées ne sont pas en ordre.

Je l'aime tant... je voudrais être parfait pour lui, mais je suis loin de l'être. Je veux être quelqu'un de bien et d'équilibré, alors que je suis en constante ébullition. Je bous de peur, de tristesse, de haine et d'amour; tout m'échappe au contrôle.

Ce qui me ramène à ce à quoi je pensais, quand j'étais encore aux États-Unis...
Ce n'est plus une impression, c'est un fait; je me suis reconnecté à mes sens. C'est comme si mes nerfs s'étaient soudain tous éveillés. Mon cœur a renaquit en même tant que moi, lors de ma convalescence.

Je n'arrive pas à savoir si c'est plus simple de se sentir vide que submergé par ses émotions. Enfin, de toute manière, c'est pas comme si je pouvais revenir en arrière.

Je pense à Eiji, entendant ses pas se promener dans la maison, et mon cœur se serre. Tous mes maux n'ont pas disparu, dès lors que je l'ai vu; ils se sont empirés. Pourquoi ? Ça n'était pas censé se passer comme ça, pourtant...

La porte s'ouvre, me faisant sursauter. Eiji apparaît dans l'entrebâillement de la porte. Je remarque un sourire sur son visage, tandis qu'il s'approche du lit.

« Ma soeur est rentrée !

– Tu vois, c'est pas une grande fugueuse, répondis-je, me décalant sur le matelas. Alors, tu l'as engueulée ? Je vous ai pas entendus.

- Non ! Passé vingt-trois heures, je ne m'énerve plus, baille-t-il, se laissant tomber à côté de moi, je suis trop fatigué pour faire la leçon à qui que ce soit... Demain, ce sera une autre histoire.

Je souris. Il se tourne vers moi, me regardant avec des yeux fatigués, mais joyeusement plissés. Son regard tendre bifurque sur mes lèvres.

Et c'est là que je commence à douter de moi. Je sais ce qu'Eiji souhaite. Même moi, je le réclame, mais est-ce vraiment la bonne chose à faire ? Je suis perdu et je panique.

Je détourne les yeux, puis chuchote en pivotant vers le mur;

– Bonne nuit...

Mes paupières fermées de force, j'ai du mal à accepter que j'aie pu faire ça. Je me recroqueville, ramenant mes mains contre ma poitrine. Mon cœur s'alourdit péniblement.

Je suis là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant