III. innocence

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La neige s'est remise à tomber du ciel, ce matin, lorsque le ciel a commencé à s'éclaircir. Lentement, le petit jardin de la cour se fait étouffer par le drap des fins flocons hivernaux. Et moi, assis derrière la fenêtre, je tente d'oublier l'inoubliable, plus perdu que jamais.

Hier soir, quelques heures après que nous soyons arrivés chez lui, Max m'a rendu les affaires que j'avais sur moi le jour de mon accident.

Une vingtaine de dollars, ma paire de lunettes et surtout, ce qui m'a empêché de fermer l'œil de toute la nuit, la lettre qu'Eiji m'a adressée.

Max a vu que j'étais troublé quand je l'ai récupérée. Il m'a dit de ne pas la relire pour l'instant, car cela ne m'aiderait sûrement pas à me sentir mieux.

J'en ai fait qu'à ma tête. Je l'ai lue, relue, tellement relue que je la connais presque par cœur. Même si ça me fait du mal... je ressens le besoin inexplicable de l'avoir entre mes mains.

Cette feuille de papier froissée et tachée de larmes et de sang est bel et bien mon dernier souvenir d'Eiji.

Elle est magnifique, bien qu'à chaque fois que je pose les yeux dessus, je me rappelle qu'elle marque nos adieux. Chaque mot tracé dessus me rend terriblement nostalgique.

Eiji ne maîtrise pas l'anglais à la perfection, c'est justement la simplicité et la sincérité de ses phrases qui m'ont plus touché que jamais.
Il a écrit tout d'une traite, laissant son stylo parcourir naturellement la page, je l'ai deviné dès la première lecture.

J'entends sa voix dans ma tête.

Je sais pas si j'aime ça.
Je sais pas si je veux que ça s'arrête.
Je sais pas si je pourrais supporter de l'oublier.

J'en sais rien. Plus j'y pense, plus ça m'obsède. Mais y a pas de solution, c'est un cercle vicieux. Je me suis enfermé tout seul dedans, c'est ça le pire. Ça me fout la migraine.

J'ai même plus de larmes à pleurer tellement mes yeux en ont versé cette nuit. Autant aller me chercher un peu d'eau à la cuisine avant de continuer à déprimer. Je me lève du canapé-lit, faisant grogner au passage ses bruyants ressorts fatigués.

À la cuisine, je laisse couler un filet d'eau, m'y penche et bois plusieurs gorgées d'eau fraîche. J'en profite pour me rafraîchir le visage de quelques gouttelettes au passage.

En coupant le robinet, tandis que je m'essuie la bouche contre mon bras, je sens une présence non-loin de moi. Je tombe sur Michael. Il me regarde avec de grands yeux curieux, se tenant debout au milieu du couloir dans son large pyjama à carreaux.

Je m'approche de lui et m'accroupis pour être à sa hauteur.

« Tu serais pas censé être en train de dormir, Michael ? fais-je, plissant les yeux.

– Y'avait du bruit qui venait d'ici, ça m'a réveillé, et je me demandais qui c'était, m'explique-t-il à voix basse.

– Ah... d'accord. Bon, va te recoucher. Ta mère serait furax de te savoir réveillé à cette heure-là. »

Je le laisse là et me dirige machinalement vers le salon. Mais quelques chose me retient par la manche de mon pull. Je tourne la tête en soupirant.

« Quoi ?

– Je peux venir avec toi ?

– Tu dois retourner au lit, je te l'ai déjà dit.

– S'il te plaît ! répète-t-il, implorant.

– Non c'est non. Allez, lâche-moi le bras et va pioncer.

– Mais j'avais envie de te parler... minaude-t-il, déçu.

Je suis là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant