XII. respirer

717 50 22
                                    

« Est-ce que je peux rentrer... ? »

Trois coups doux me demandent encore une fois la permission d'enfoncer la poignée. Je me mords le poing rageusement. J'ai envie d'hurler, à m'en déchirer la gorge.

Je viens d'éclater en morceaux un moment des plus agréables pour... rien.

Ça me fait très mal, d'autant plus que je croyais que c'était fini, ces conneries. Mon corps qui parle avant moi, et pour dire n'importe quoi. Ma langue qui prononce des mots froids et cinglants, pour essayer de se protéger... de quoi ? De celui qui ne fait que de s'animer à lui donner joie, soutien, tendresse ? Ça n'a aucun sens.

Cette pensée fait retomber la colère qui a surgi en moi il y a minutes à peine. Cependant, l'état de désolation dans lequel, à la place, elle vient de me plonger, me donne envie de me gifler, que ma joue endolorie m'en distraie ainsi. J'en suis malade. Je suis malade de moi-même. Mes oreilles bourdonnent.

Je n'arrive même pas à faire ce qui est naturel à tous. Mais qu'est-ce qu'il me manque, bordel, juste pour que je puisse recevoir et rendre l'amour comme bon me semble...? Je retombe à chaque fois à la case départ... Parmi toutes les imperfections dont on ait pu avoir idée, dont j'aurais pu avoir été affecté, je suis tombé sur la plus atroce. Et peut-être que c'est pourquoi la vie a fait de moi son défouloir vivant. Après tout, un humain avec des émotions déréglées, peut-il toujours être qualifié d'humain, en portant un défaut pareil ?

Mérite-il de goûter à la chaleur d'une étreinte aimante, même s'il griffe et mord en retour, succombant à son instinct ?

Je perds mon souffle. Son instinct, hein... Je suis vraiment un putain d'animal, tous ces fils de pute avaient raison. J'ai toujours été amer quant à ces surnoms qui m'ont été affublés. Ash Lynx, le lynx, la bête sauvage... mais en y réfléchissant, là, tout est clair. C'est effroyable, à quel point cette métaphore est seyante.

« Aslan... »

Mon coeur se noie, encore plus profondément dans le désespoir, en entendant la voix d'Eiji. Je retiens mes larmes, je donne tout ce que j'ai pour ne pas relâcher cette émotion que je ne peux pas me permettre de ressentir, alors qu'il fait tout pour m'aider, lui. Aujourd'hui, je devais être heureux. Tout allait à peu-près bien, la situation se stabilisait, tout doucement. Il fallait juste que je profite de la chance qu'Eiji m'a donné... c'est tout ce que j'avais à faire. Pourtant, j'ai tout de même trouver un moyen d'y échouer.

Je renifle discrètement.

« J'entre. »

À deux doigts de verser mes larmes pour de bon, je ne trouve pas la force de m'y opposer. La paire d'yeux plissés d'inquiétude apparaît face à moi. Je les vois flous, déformés à cause des larmes, mais à leur vue mon coeur saigne comme s'ils étaient nets.

Eiji entame un mouvement vers moi, de sa main, auquel il finit par renoncer à mi-chemin. Je pince mes lèvres, couvrant mes yeux de mes mains tremblantes.

« Ash, tu...

– Je suis une ordure, le coupé-je, la voix déraillée. La pire des ordures...

– Non, non... Ne dis pas ça, ce n'est pas vrai. Je crois que tu as besoin de repos... Ces derniers jours ont été très durs pour toi, ne t'en veux pas d'avoir fait une petite bourde.

– Mais j'ai tout foutu en l'air, comme d'habitude... Je vivais l'un des meilleurs moments de ma vie, et j'ai quand même merdé...

– C'est pas grave, c'est la vie... J'ai compris que quelque chose n'allait pas, et que tu ne pensais pas ce que tu as dit. Ce qui m'inquiète fort, là c'est l'état dans lequel tu te mets pour cette histoire...

Je suis là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant