X. aslan

1.1K 87 129
                                    

Je me demande si c'est moi qui n'y ai jamais prêté attention, ou si Eiji a toujours été aussi imprévisible. Une facette cachée de sa personnalité, peut-être... Les rôles se sont inversés, le contraire de notre dynamique habituelle. En tout cas, c'est vraiment un sacré personnage.

J'ai été surpris qu'il rebondisse si vite sur son breakdown. Avec le torrent de larmes qu'il a déversé dans mes bras, Eiji me semblait si fragile. Ça m'a fait terriblement mal de le voir culpabiliser, s'enfoncer dans sa peine. J'aurais cru qu'il prendrait plus de temps à se relever sur ses deux pieds.

Inconsciemment, je me le suis projeté récupérer des tourments de la vie comme moi. C'est à dire, en de longues journées affreuses de dépression.

Mais Eiji est une girouette, je l'ai appris ce soir. Soudain, il s'était redressé, essuyant ses yeux de sa manche. Le ciel devenait sombre. Ses yeux encore rouges cherchaient un échappatoire. Il m'a dit; "j'ai besoin de sortir".

J'étais surpris en l'entendant. Il sonnait bourré de détermination, passant d'un extrême à l'autre comme si de rien était. Dieu seul sait ce qui s'est passé dans son crâne, en l'espace de deux minutes.

Il ne m'a pas accordé le temps de dire un mot au sujet de cette sortie nocturne. Non, il m'a entraîné à l'extérieur, et dès lors qu'il y a posé un pas, s'est mis à courir le long de la rue.

Ce choix impulsif était ce qui le libérait. Pas de foyer familial, de petite sœur ou de responsabilités... Juste de pouvoir fuir dans la nuit, sous la lune enfumée d'épais nuages.

Je me retrouvre à le suivre, maintenant. Courir à New-York ou à la campagne d'Izumo, c'est deux mondes. Ici, tout semble irréellement quiet la nuit, comme à Cape God, à la maison.

Ça doit faire un bien fou de s'évader dans ce calme olympien.

C'est en le faisant que je me suis jeté dans la gueule du loup, plus jeune. C'est sûrement à cause de ça que je ne peux plus me défouler sans que ce souvenir amer ne me rattrape.

« Regarde.

Je reviens tout à coup à la réalité en entendant Eiji, qui s'est d'ailleurs arrêté de courir.

– Je me devais de te montrer cet endroit de nuit... Puisque c'est ici que je viens souvent me ressourcer.

Une plage déserte dont les vagues dansent lentement face à nous. La ronde lune se trouble dans ses eaux. Plongé dans mes réflexions, je n'ai même pas réalisé que c'est là où il me menait. Je ferme les yeux, me rafraîchissant les poumons de l'air marin délicat.

– C'est... agréable, dis-je, expirant.

En rouvrant les paupières, je sens mon souffle se couper un instant lorsque je me rends compte de quelque chose. Eiji porte un véritable sourire à ses lèvres. Je suis instantanément submergé de soulagement. Mais aussi d'une joie immense, qui fait fleurir sur mon visage un sourire irrépressible.

– Et on est tranquille, ici, ajoute-t-il.

Ça y est, mon coeur se remet à tambouriner comme un dingue. J'ai une sensation étrange au creux de mon estomac. Mais je sais ce que c'est.

– Bon, on va pas rester à se regarder dans le blanc des yeux comme ça pendant toute la nuit, si ? s'impatiente Eiji, se tournant vers le bord de la mer. Tant qu'on est là, baignons-nous un peu !

Il retire ses baskets en deux temps trois mouvements, et retrousse son jeans jusqu'aux genoux.

– Maintenant ? L'eau va être glacée, grincé-je, tandis qu'il s'élance vers l'eau. On est en début d'hiver, ce serait plus raisonnable de-

Je suis là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant