IV. allô

1K 99 26
                                    

« Ash ? Dis-moi si tu aimerais un café, avant de te rendormir. »

Je cligne trois fois des paupières, et relève avec difficulté les yeux vers Jessica, tentant de concentrer mon attention sur ce qu'elle dit. La fatigue que j'ai accumulé durant l'horrible nuit blanche d'aujourd'hui se fait vachement sentir, tout à coup.

« Hein ? Hum... ouais, je veux bien, merci, finis-je par répondre après quelques secondes de total bug mental. »

La blonde se saisit de la cafetière; elle a visiblement l'air comprendre le dialecte du matin que j'ai marmonné dans ma barbe. Du coin de l'œil, je la regarde servir une tasse de café noir et la déposer devant moi.

J'enroule mes doigts autour de la boisson brûlante à la forte odeur de Robusta, et la guide machinalement jusqu'à mes lèvres. Les quelques petites gorgées que j'avale se révèlent encore plus âcres que je ne les avais imaginées. Maintenant, au moins, c'est clair; je n'aime pas du tout ce truc.

Jessica s'assied elle aussi à la table, buvant un expresso en pianotant sur le clavier de son ordinateur portable. Elle détourne un instant le regard de son écran et hausse un sourcil en me fixant l'air perplexe.

« Ce mélange de grains est assez amer, fait-elle, tu n'y mets pas de lait ni de sucre pour l'adoucir ?

– Ça ira, le goût m'importe peu. Je suis pas un fan de café, je cherche seulement une bonne dose de caféine pour tenir le coup.

– Et je suppose que tu refuseras de manger quoi que soit ce matin, devine-t-elle, soupirant. Tu viens de sortir de l'hôpital, quand même, ce serait plus sûr de te nourrir suffisamment. Et si tu t'évanouissais ?

– C'est bon, je n'ai pas faim... Pas pour le moment. Je verrai plus tard.

– Mmh... Tu te répètes, Ash, tu avais dit précisément la même chose hier soir, dit-elle, peu convaincue. Tu n'as pas vraiment l'air en forme. On dirait que ta nuit a été plutôt courte... »

Si tu savais...

« C'est compliqué pour moi de trouver le sommeil après tout ce qui s'est passé ces derniers temps.

– Oui, on est tous encore secoué par ça, admet-elle. Enfin bon, la vie continue, on va faire de notre mieux pour suivre le rythme. Pas le choix, on doit remonter la pente.

– Ouais, j'espère que j'y arriverai aussi.

– Je suis certaine que tu y parviendras, répond Jessica avec certitude. »

Je hoche la tête sans vraiment croire à ses encouragements. Elle termine sa tasse et la pose au fond de l'évier avec le reste de la vaisselle sale, en partant vers le salon, son laptop sous le bras.

Soudain, elle s'arrête sur place, comme si elle venait de se rappeler de quelque chose. Jessica se retourne.

« Au fait, hum... Ash... commence Jessica, revenant sur ses pas.

– Ouais ?

– Je crois que tu devrais appeler Eiji.

– Appeler... Eiji ? »

Cette phrase me réveille aussitôt. Je m'attendais pas à entendre ce nom si rapidement dans sa bouche.

On dirait que toute cette famille s'est mise en tête d'aborder ce sujet-là, plus ou moins directement.

« Après tout ce que vous avez traversé ensemble, ça le rassurerait de recevoir un peu de tes nouvelles, même si elles ne sont pas des plus joyeuses. »

Je suis là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant