VII. vers le renouveau

1K 91 54
                                    

Pour une fois, je suis soulagé de remettre les pieds dans le couloir miteux de mon immeuble. D'habitude, je monte toujours à mon appart' par l'escalier extérieur, mais j'avais envie de passer par là, comme ça, pour voir si ça avait changé depuis la dernière fois que je l'avais emprunté.

Au final, il y a toujours la même nauséabonde odeur de moisi. Charmant. Par contre, c'est nouveau, ce froid de canard... D'où est-ce qu'il vient ?

Ah. Sûrement par la fenêtre à soufflet, dont le carreau est éclaté. Bon, ça aère un peu. Mais je vais me passer de ce petit courant d'air frais, j'ai largement eu ma dose aujourd'hui, il faut dire.

Je prends le soin d'éviter les petits débris de verre luisant à la lumière des réverbères à l'extérieur.

La légende raconte que, de mon vivant, je n'aurai jamais la chance de pouvoir respirer ici à plein poumons sans m'étouffer à cause de cette satanée poussière.
Et puisqu'aujourd'hui est le jour où je vais enfin rendre les clés, elle raconte vrai, j'imagine.

Je m'accroupis devant la porte et récupère le trousseau caché sous le tapis effiloché. La vieille serrure me donne du fil à retordre, mais je parviens à ouvrir en forçant juste comme il faut le mécanisme.

Home, sweet home.

Rien n'a bougé d'un poil. Je referme la porte à clé. M'asseyant sur mon matelas dur, je me débarrasse de mes chaussures en deux-temps trois-mouvements et les balance à l'autre bout de la pièce.

Chargeur, chargeur... Je plonge ma main dans la mine de poussière qu'est le fin espace entre mon lit et le mur, puis y passe tout le bras, fouillant à tâtons en quête d'un câble.

Trouvé. Je m'extirpe tant bien que mal avec mon précieux chargeur. Mon téléphone fin branché, je m'étends sur mon lit, la tête débordante de pensées.

Quelle nuit, n'empêche. La plus difficile de cette semaine, mais la plus douce à la fois. Un léger sourire feint mes lèvres tandis que je me remémore les paroles d'Eiji, alors que nous disions au revoir, quelques heures auparavant.

« S'il te plaît, occupe-toi bien de toi. Rien qu'à ta voix, je sens que tu pourrais t'effondrer de sommeil d'une seconde à l'autre.

– T'inquiète pas, j'aurai le temps de faire une sieste à l'aéroport.

– Non, repose-toi maintenant... Tu négliges beaucoup trop tes heures de sommeil, tu vas finir par surchauffer.

– Mais non, je suis encore d'aplomb à-

– Ash... Écoute ce que je t'ai dit. Ménage-toi...

– Ok, t'as gagné... j'essayerai de dormir un peu. Décidément, le grand-frère en toi finit toujours par refaire surface.

– Désolé, désolé, mais tu sais bien que c'est parce que je te souhaite le meilleur.

– Ne change jamais... j'ai besoin qu'on me dise des choses comme ça. »

Parfois, je fais la sourde oreille, lorsqu'Eiji me rabâche ses conseils de sage aîné, mais c'est dans ces moments-là que je sens que je compte vraiment pour lui. Maintenant, peut-être que l'étape supérieure serait d'appliquer ce qu'il me dit.

Je suis là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant