ACTE 5 - SCÈNE 3

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Alix, regardant Juliette : Bon, on y est peut-être allés un peu fort...

Gabriel hoche la tête et hausse les épaules en signe d'acquiescement un peu gêné.

Juliette, silencieuse, réfléchit.

Juliette : Peut-être... Mais j'avais besoin que ça sorte. ça fait trop longtemps que je le vois s'éloigner de ses idéaux de jeunesse. Quand on s'est connus, il était tout feu tout flamme ! Il était de toutes les manifs, de toutes les causes ! On a passé des nuits à faire des pancartes ensemble, à préparer des itinéraires... À refaire le monde quoi ! Et là, pour moi, ce soir, c'est l'électrochoc ! Il faut qu'il sorte du ronron quotidien dans lequel il est englué. Il s'encroûte petit à petit, et ça, ce n'est pas le Eddy que j'ai connu. Les mots ne suffisent plus, il faut agir. On aurait même dû le faire plus tôt ! On doit se lever, dire non certes, mais surtout se bagarrer pour se faire entendre, et faire notre part.

Sylvain : Tu ne trouves pas que tu vas un peu loin ? Se bagarrer, sérieux ? On n'est pas en guerre, non plus ! Et puis, ça vient juste d'arriver...

Juliette : Evidemment, on n'est pas en guerre ! Y a pas de bataille rangée dans les rues. Mais je pense que ça va être une guerre psychologique, à l'usure. Tu crois qu'ils vont nous demander notre avis pour changer les choses à leur idée ? Ils vont faire ça tranquillement, en prenant point par point leur programme de merde !

Sylvain : Attends, calme-toi ! De toute façon, je l'ai déjà dit, on est en démocratie ! La France a des institutions pour parer toute dérive. Le Parlement, le Conseil Constitutionnel... Nous avons quand même d'excellents juristes qui peuvent dire et expliquer que ce qui est train d'être fait est bien ou pas, légal ou pas.

Juliette : Mais je pense qu'ils vont s'appuyer sur les lois, sur une interprétation des lois, sur leur interprétation ! Et c'est là que nous devons être forts : nous devons nous former, comprendre le fonctionnement d'un Etat comme la France, comprendre ses institutions, s'appuyer sur l'histoire pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Entrer en résistance quoi !

Sylvain : Entrer en résistance ?! Être vigilant, oui ! Mais résistance, c'est un peu fort, non ?! Nous devons faire attention à l'utilisation qui va être faite des textes et des institutions. Mais de là à rentrer dans la clandestinité...

Juliette hausse les épaules car elle sent bien que Sylvain ne la comprend pas.

Alix, un peu énervée : Mais enfin, Sylvain, tu ne comprends pas ?! Ce que Juliette veut dire, c'est qu'il va falloir enlever nos œillères, et jouer notre rôle de citoyen, vraiment ! On aurait dû le faire avant ! Être vigilant, OK, mais dire aussi quand on n'est pas d'accord, et le plus souvent possible, et le plus nombreux possible ! Tu crois quoi, avec mon boulot ? J'ai déjà subi des pressions pour faire passer un dossier plutôt qu'un autre, hein ! Et je n'ai jamais cédé, jamais ! ça va être ça, notre rôle : ne pas céder, ne pas dire oui à tout. Savoir dire non, et le dire fort. Car je ne suis pas sûre que les institutions, elles puissent faire grand chose, quand la pression sera sur les associations locales, les services décentralisés, le quotidien des gens ! Quand notre vie de tous les jours sera impactée !

Juliette, se levant : Quand tu vois qu'aux Etats-Unis, dans certains Etats, des retours en arrière sur les droits se font tout à fait légalement... Tiens, d'ailleurs, Alix, y a une manif qui est en train de se mettre en place maintenant. Mon asso féminine est l'une des organisatrices. Tu viens avec moi ?

Alix : Oui, je prends mon manteau, et je te suis !

Elle se lève et se dirige vers l'entrée.

L'élection (pièce de théâtre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant