1. Gabriel

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-Gaby, ne fais pas ça.
-Ne discutes pas, Evangeline.
Le garçon lui saisit l'avant-bras sans ménagement et poussa la fillette dans la garde-robe, refermant les portes à clef.
-Gaby, non, s'il te plait, supplia-t-elle en tapant sur le bois.
L'enfant donna un violent contre la porte -la faisant trembler- pour dissuader la jeune fille de faire du bruit.
-Tais-toi, lâcha-t-il dans un murmure menaçant.
Il repartit alors dans le couloir, comme s'il n'avait rien fait, comme s'il ne venait pas d'enfermer une petite fille de cinq ans dans l'endroit exiguë de la pendrie. Il entendait déjà le bruit au rez-de chaussé, savait qu'il serait sévèrement puni si on savait qu'il avait enfermé Evangeline dans l'armoire.
Mais il s'en fichait, il avait appris à devoir faire des choix par lui-même.
Comme il avait appris à en endosser les conséquences.

Mes paupières s'ouvrirent brusquement sous le souvenir, m'empêchant de vivre la suite. Le corps en sueur, je posais mes pieds au sol, repoussant au loin la couette jusqu'à ce qu'elle tombe de l'autre côté du lit.

Beaucoup de gens craignaient les rentrées scolaires. La seule pensée qui envahissait mon esprit à cet instant, c'était qu'elle serait ma dernière. J'étais enfin en terminal et l'année prochaine, je partirais loin de cette putain de ville, faire le tour des Etats-Unis sans plus me soucier des devoirs de physique et de math qui me pourrissait la vie depuis six ans. Je serais totalement libre, sans plus aucune accroche dans ce petit monde étouffant. Et si la plupart des hommes craignaient de disparaître ainsi, j'aimais l'idée de sombrer totalement dans l'oublie.

Mon reflet dans le miroir me renvoya l'image de ce garçon au cheveux brun et aux yeux marron clairs âgé de dix-huit ans que je croisais tout les jours. Je ne savais pas pourquoi je plaisais tant aux filles, je devais probablement avoir une sorte d'aimant dans les abdominaux. Ou un don d'hypnose inconscient.

Claire m'attendait au rez-de-chaussée, le sirop d'érable à la main. Son mari était assis près d'elle, le journal entre les mains.

-Je t'ai fait des crêpes mon Chéri, glissa-t-elle doucement en me tendant la bouteille d'ambroisie.
-Merci, Claire.

Je vis une ombre passait dans les yeux de la jeune-femme et je sus que je l'avais probablement déçue, comme à chaque fois. Mais j'étais incapable de l'appeler autrement.

Claire et Patrick faisaient partie de ces personnes que vous ne pouviez détester, le petit couple parfait pas vraiment friqué mais qui trouvait encore le moyen d'aider les autres. J'avais longtemps essayé de les repousser. Je leur avais fait les pires conneries, ruinais plusieurs de leurs amitiés, j'avais même tenté de les séparer.
Et ils étaient toujours restés. J'en étais moi-même étonné. Ils m'avaient gardé sous leur toit et avait essayé de me donner une éducation correcte.

Des pas lourds retentirent dans les escaliers et un petit garçon blondinet descendit les marches.

-Jake, tu veux des crêpes aussi?
-Ouais, M'man, répondit-il d'une voix lasse.

Mec, si t'es déjà blasé à treize piges, j'imaginais même pas dans vingt ans.

Claire me sortit des mes pensés en embrassant mon front, et je soupirais avant de partir à l'école. Je pouvais l'entendre rire de la cuisine et je souris à mon tour, loin des regards des autres pour le voir.

***

Le lycée était d'un ennuie profond. Ce que je considérais avant comme une cours de récréation était devenu une prison entouré de fils de barbelé acérés. Et cela, je ne le devais qu'à une seule personne:
Brittany Fricht.

En plus d'un ego plus grand que la galaxie, d'un caractère explosif et d'une personnalité lunatique, cette fille était le diable incarné.
Elle m'avait volé ma réputation contre un petit rendez-vous amoureux avec un mec minable qui craquait pour une petite peste.

Fragiles (sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant