18. Gabriel

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Merci beaucoup à @Bullereveuse pour ce superbe "Keep Calm" xD! Il m'a beaucoup fait rire, je pensais pas en avoir un pour mon livre!
***

Neuf ans plus tôt.
-Ça va mieux?  
Le garçon hocha de la tête alors qu'elle lui collait un pansement dans le dos. Deux jambes fines entouraient ses reins. Il était trop maigre, c'était le dame de l'école qui lui avait dit. Elle lui avait demandé s'il mangeait bien à sa maison et Gabriel avait répondu que oui, que sa maman cuisinait des pancakes le dimanche matin et que son papa cuisait des frites le samedi soir.
-Beaucoup mieux, la rassura-t-il avec un regard espiègle parce qu'il savait qu'elle en avait marre d'entendre cette phrase.
-Menteur, asséna-t-elle, tel un juge au tribunal.
Le garçon voulut relever la tête de l'oreiller mais elle la garda enfoncer contre le coussin. Sa petite Evy grandissait. Elle restait plus petite que les petites filles qu'il croisait à l'école, mais Gabriel ne comprenait pas pourquoi.
En tout cas, ses pensées grandissaient. Cela ne l'arrangeait pas. Il avait de plus en plus de mal à détourner son attention lorsqu'elle avait envie de pleurer. A lui faire croire ses mensonges lorsqu'il lui disait que tout irait bien.
Assis sur son dos, Evangeline inspectait une à une les brûlures au bord des larmes. Elle voyait la peau de son grand frère formait des petites bulle, aussi ronde que celles qu'elle faisait lorsqu'elle se savonnait dans sa douche. Les plus anciennes avaient éclaté. Gabriel lui avait un jour expliquer que les bulles explosait à cause de l'air.
Evangeline se demandait si c'était pareil pour celles-là.
-Je veux plus qu'on te fasse du mal, Gaby.... Laisse-moi...»,commença-t-elle d'une petite voix.
-Non.
-Mais Gaby!
-Non, j'ai dit! Ta place est dans cette armoire. Tais-toi maintenant, on va nous entendre, lacha Gabriel d'un ton froid et détaché.
Le garçon s'en voulu en sentant deux grosse perles salées tomber dans son dos. Il était lâche, c'était son papa qui lui avait dit. Il avait  juste oublié de lui répéter qu'il était aussi égoïste et méchant.
-Evangeline. Je suis désolé, d'accord? Je ne veux juste pas que tu sois comme moi, tu comprends?
Il pouvait presque la voir hocher de la tête, alors qu'elle s'abaissait pour entourer son dos de ses bras si fins.
Le garçon enfonça un peu plus la tête dans l'oreiller pour qu'elle ne remarque pas ses larmes.
-Je ne veux pas que tu m'abandonnes, expliqua-t-elle dans un petit hoquet.
-Je ne t'abandonnerais jamais, Evy. C'est une promesse.
Il se retourna, la faisant rouler sur le côté du lit. Pendant un instant, ils redevinrent ces deux enfants joyeux qui rigolaient même dans le plus grand des silences. Puis, le dos de Gabriel rencontra le matelas et l'illusion fut brisée.
-Un jour, Evangeline, je serai grand, aussi grand qu'un géant, et je t'emmènerai loin d'ici.
Il fut presque surpris de voir la détermination dans les yeux verts de la fillette de sept ans.
-J'ai peur que tu sois grand trop tard, rétorqua-t-elle avec une mine sérieuse qui lui était rare.
-Mais non, tu vas voir, la défit-il avec un regard de chenapan.
-Il faut que tu apprennes à te battre.
Il la regarda en souriant alors qu'elle se levait précipitamment du lit pour fouiller sa chambre. Elle retourna près de lui une dizaine de minutes plus tard alors qu'il s'était assis.
-Tu n'as qu'à t'entrainer, déclara-t-elle en lui tendant son trésor du bout des doigts.
-Evy.... Carla est ta poupée préféré.
Et la seule....
-Tu es mon ange gardien préféré, Gaby. C'est toi, mon doudou, lâcha-t-elle innocemment.
Elle tint la poupée droit devant elle, feignant l'enthousiasme. Evy était petite, mais elle savait que Gabriel ne supportait pas de la voir angoissée ou inquiète. Or, elle l'était plus que jamais.
-Frappe-la, exigea-t-elle d'une voix un peu trop forte au goût de son frère.
-Non,Evangeline, je refuse, chuchota-t-il.
Gabriel se leva du lit en grimaçant et s'éloigna dans sa chambre sans se retourner. Evangeline le regarda traverser le couloir, le dos raide et les jambes tremblantes.
La fillette contempla la poupée de malheur.
Elle savait que Gabriel ne voudrait jamais l'abîmer, parce qu'il savait bien trop que Carla avait été son doudou et le seul jouet qui leur restait de leur mère.
Mais elle ne voulait plus que Gaby soit blessé. Et le seul moyen pour cela, c'était que son Superman dépasse les méchants. Gaby  devait craindre de blesser sa poupée....
Alors elle prit Carla et la frappa avec force contre le mur.
Une fois, deux fois, trois fois. Quatre fois.

Fragiles (sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant