21.Evangeline

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Merci beaucoup à @chloedomp pour ce premier dessin de Gabriel! Il est génial ;)

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Dix ans plus tôt

Evangeline tapait des poings contre l'amoire, sans succès. Son frère avait pris garde de baisser le loquet, comme à chaque fois. Petit à petit, ses coups se firent plus pressés, sa respiration s'accéléra un peu plus. Elle détestait ce placard, elle détestait ce noir immense, absolu, qui l'a dévorait tout entière. Elle avait l'impression que d'affreuses choses se passaient pendant qu'on la tenait à l'écart. Elle n'entendait quasiment rien depuis la salle de bain, simplement quelques grondements étouffés par la distance et des bruits d'objets se brisant au sol. Elle avait envie d'hurler, de crier à Gaby de la laisser sortir. Ici, tout ces cauchemars prenaient vie.
Elle était seule, seule parmi le silence et le noir.
Plus le temps passait, plus l'armoire rétrécissait. La petite fille aurait juré que ce coté-là, à sa droite, était plus éloigné auparavant.
Les jambes d'Evy s'engourdir et celle-ci arrêta de se battre pour poser sa tête contre le bois. Elle avait l'impression que les planches se rapprochaient toujours un peu plus d'elle, qu'elle finirait par ne plus savoir respirer.

Alors elle pleura, comme à chaque fois.

***

Retour au présent

-Non... Non, s'il vous plaît..... Non, pitié, pitié... PITIÉ! », et ce furent mes propres hurlements qui me tirèrent de mes cauchemars.
-Angie? Angie, réveilles-toi, me secoua énergiquement une main.

Je me débattis quelques instants avec ma couverture et ma mère recula pour me laisser de la place. Elle savait que j'avais besoin d'espace, de beaucoup beaucoup d'espace. J'étais claustrophobe. Je ne supportais ni la foule, ni les endroits confinés. Et les deux réunis, c'était encore pire. J'évitais de croiser son regard alors que peu à peu, ma raison reprenait le contrôle. Je passais une main sur mon front en sueur, essayais de calmer mon souffle saccadé.

-Je t'ai réveillé?», demandais-je doucement en tentant de chasser les sanglots qui me coupaient la gorge, comme toujours.

Caroline Adam's se contenta de soupirer en me lançant un petit regard désespéré. Je savais ce qu'elle voyait, ce que la plupart des gens voyaient. Même moi, je me faisais pitié devant un miroir. Mes parents avaient cru que le temps arrangerait les choses, mais mes crises étaient toujours aussi violentes et mes cries.... Mes cries réveillaient le ranch en entier.

-Excuse-moi, soufflais-je en replongeant dans ma couverture et en lui tournant le dos.
-Angie.... Ça fait dix ans, maintenant. Dix ans, c'est assez à l'homme pour se reconstruire, murmura ma tutrice en refermant la porte derrière elle pour me laisser méditer ses paroles.

Et c'était de jolies phrases, vraiment. Mon psy m'en sortait des similaires chaque samedi matin. Seulement, je ne pouvais pas. Je ne pouvais plus avancer. J'étais bloquée dans une petite maison de banlieue, je revoyais sans cesse la scène finale, celle où tu avais basculé. Je la revoyais toutes les nuits et le pire, c'est que ces cauchemars commençaient à s'insinuer dans mes journées. Je revoyais constamment mon frère, au détour des couloirs de mon lycée, à chaque coin de rues. Je revoyais son visage torturé lorsque le corps de notre père s'était mis à peser un peu plus sur le sien. Je revoyais son regard reflétaient l'horreur alors que la marre grandissait, qu'elle grandissait encore.

Fragiles (sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant