1 | June

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« Celui qui faute doit s'attendre à en subir les conséquences. »

June

Elle ne me rattrapera pas.

Elle ne le fait jamais.

C'est inutile de courir jusqu'à s'en briser les tibias si personne ne nous poursuit. Pendant que je la fuis, elle est à la maison. Paisiblement assise sur le sofa, elle caresse les cheveux de papa qui repose sa tête sur ses genoux après une longue journée au bureau. Et quand Gaby devient trop bruyant en enclenchant une guerre entre ses figurines, elle le réprimande.

Tous les trois, ils forment une famille.

Je ne suis qu'un membre fantôme.

Amputé, mais toujours un peu là.

Dehors, il pleut à torrents.

J'ai l'impression d'être la seule à regarder par la fenêtre. La pluie violente et épaisse s'écrase sur le béton dans la cour, s'ajoutant aux grattements de papier de mes camarades. La classe est plongée dans un silence monacal. Personne n'ose bavarder dans le cours de M. Allan, mais cette attention n'est qu'une façade. Depuis le fond de la salle, je vois souvent la lumière d'un téléphone jaillir de sous un bureau.

Le lycée de Sherborn ne tolère pas le non-respect des règles.

Du moins, c'est ce qui est écrit dans le règlement intérieur.

Je pousse un soupir ennuyé. J'ai toujours détesté les sciences. Dommage que ce soit les trois matières que j'étudie pour obtenir mon diplôme : les maths, la biologie et la physique-chimie. Mon père a au moins eu la bonté de me laisser choisir une mineure en arts plastiques l'année dernière, lors de nos choix d'orientation. « Tant que ça ne te prend pas trop de temps », m'a-t-il répondu d'un ton évasif quand je lui ai suggéré l'idée.

Il était en pleine conversation téléphonique avec un collègue. Il m'a demandé de partir d'un signe de main lorsque je lui ai demandé s'il m'avait bien entendue. J'ai saisi l'occasion pour lui faire signer les papiers et je suis sortie de son bureau.

Papa est quelqu'un d'occupé dès qu'il s'agit de moi. Je m'estime déjà heureuse quand nous parvenons à échanger plus de trois mots ne se limitant pas à « salut », « merci » et « désolée ».

— Mademoiselle Grey. Pouvez-vous répéter ce que je viens de dire ?

La voix de M. Allan porte depuis l'estrade. Je me redresse de mon bureau, où je m'étais avachie, pour le voir qui me fixe avec austérité. Mais je n'ai aucune idée de ce qu'il déblatère depuis que j'ai mis les pieds dans son cours.

La voix enrouée, je tente quand même :

— Hum, les rayons lumineux... les rayons lumineux sont... probablement quelque chose...

Il pousse un profond soupir, provoquant le gloussement des filles autour de moi. Je n'y prête plus attention. Les moqueries sont devenues partie intégrante de mon quotidien depuis avril dernier. En trois mois, j'ai eu le temps de m'y faire.

La capacité d'adaptation de l'humain est parfois effrayante.

— Non, mademoiselle Grey. Ça, c'était le chapitre précédent.

C'est déjà un miracle que je m'en souvienne, alors.

— Je ne comprends pas ce qui vous empêche d'apprendre vos cours comme les autres. Vous faites partie de la famille royale ? Une arrière-petite-fille cachée de la reine Elizabeth ?

TROUBLEMAKER | 1 & 2 [Sous contrat d'édition chez BMR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant