TROUBLEMAKER | 1 & 2 [Sous contrat d'édition chez BMR]

2 | Shayn

« Tes fréquentations en disent plus long sur toi que ta carte d'identité. »

Shayn

Qu'est-ce que tu fous... ?

J'observe mon reflet dans le miroir. J'ai des cernes violacés, accentués par la lumière terne du matin. Une respiration lente et régulière s'élève de mon lit, là où une silhouette est encore trop confortablement enroulée entre mes draps. J'ai oublié son prénom. Je ne suis pas sûr de le lui avoir demandé, mais l'alcool a sûrement effacé le souvenir de quatre-vingt-dix pour cent de nos maigres interactions.

Mon portable vibre sur la commode. Je regarde brièvement le nom qui s'affiche à côté de la notification : Caleb. Je ne prends pas la peine d'ouvrir le message, je sais déjà ce qu'il m'a demandé et je n'ai pas encore de réponse à lui apporter. Je remarque aussi les cinq nouveaux appels manqués de Sarah et j'éteins mon téléphone principal.

Ça fait longtemps que mes nuits sont courtes et agitées ; que le soir je finis toujours par errer dans les rues au lieu de me coucher. J'ai besoin de distraction, car dormir, c'est laisser la porte ouverte aux fantômes. Et je ne veux plus voir de fantômes dans mon sommeil.

J'ai déjà assez payé, même s'ils refusent de me laisser partir.

— Tu ne vas pas lui répondre ?

Mon corps se tend au son de sa voix. Je devrais avoir l'habitude, maintenant. Mais non, elle réussit toujours à me surprendre. Je tente d'ignorer sa présence dans mon dos, jusqu'à ce qu'elle s'impose à moi dans le reflet du miroir. Aucun cheveu ne dépasse de son carré noir.

Elle était toujours sophistiquée au possible.

— Arrête de m'ignorer, murmure-t-elle en se glissant derrière moi.

Elle pose une main sur la commode, juste à côté de la mienne. La manche de son chemisier est d'un blanc immaculé. Il n'y a pas de sang. À force, j'ai fini par comprendre que le sang n'était là que dans les mauvais jours.

— Casse-toi, Lucy.

J'ai parlé entre mes dents. Je ne veux pas que l'autre fille m'entende.

La vraie fille.

— Tu devrais répondre à Caleb et lui dire que tu ne le feras pas. Parce que tu ne le feras pas, pas vrai ?

— J'en sais rien.

Je n'ai pas envie d'accepter sa proposition. Je ne suis pas venu à Londres pour tomber dans ses plans foireux. Je devais seulement fuir Long Island en attendant de trouver une solution à mon problème. Mais plus les semaines passent et moins j'ai l'impression que cette solution existe, contrairement à mon problème.

— Tu n'y arriveras pas, me susurre-t-elle à l'oreille. Tu n'es pas lui.

Je soutiens son regard dans le reflet du miroir. Les commissures de ses lèvres sont à peine retroussées dans un sourire pervers. Elle le fait exprès ; me provoquer pour que je perde mes moyens.

— Tu n'es pas lui, Shayn, insiste-t-elle. Toi, tu es juste toi. Le raté de la famille. C'est pour ça que tout le monde le choisissait. Il rendait votre mère fière.

Je serre les mâchoires alors qu'elle penche la tête sur le côté, pour observer le fruit de son travail.

— Regarde-toi mieux. Tu es un délinquant. Caleb ne s'en est pas encore rendu compte, c'est pour ça qu'il a bien voulu t'aider. Tu peux remercier la distance d'avoir permis de conserver votre amitié. Il ne voit pas à quel point vous êtes devenus des personnes différentes.