5 | June

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« C'est trop tard lorsqu'il sait où tu dors. »



June 

Deux mois plus tard 

Comme d'habitude, j'ai trop tardé en me préparant et je suis en retard.

Je dévale les escaliers en donnant une caresse à Pato, qui les remonte pour rejoindre sa couchette à l'étage. Mon bus arrivera à l'arrêt dans moins de huit minutes et je dois encore parcourir cinq cents mètres pour l'atteindre. Heureusement, mon père est déjà parti au travail ; il aurait certainement souligné ce problème récurrent de ponctualité.

J'aurais mieux fait de dormir au lieu de passer la nuit à cogiter sur l'inévitable. Mais le stress pré-rentrée m'a volé mes heures de sommeil. Depuis que j'ai lu le mail annonçant les listes des classes de terminale, j'ai redouté le jour où je devrais me lever pour retourner à Sherborn. Cette année, j'ai encore la chance de me retrouver avec Holly, Aubrey et Emilia. On croirait presque qu'elles ont écrit une lettre au proviseur pour demander à être ensemble, comme à l'école primaire.

Mais je sais aussi qu'il n'y a que deux classes de terminale, ce qui réduisait considérablement mes chances d'échapper à l'une ou à l'autre. Les trois en même temps, ça reste un mauvais coup du sort.

Dans la cuisine, je me hisse sur la pointe des pieds pour saisir un paquet de cookies dans le placard. À l'instant où je fais volte-face, j'entre en collision avec Suzan. Cette dernière est parfumée et apprêtée, ce qui contraste avec mes paupières nues et encore alourdies par le sommeil. J'ai eu le temps de me laver et de me coiffer, mais je me maquillerai sur le trajet. Vivre aussi loin du centre de Londres a quelques avantages, même si je les trouve de plus en plus rares.

Son regard redescend sur moi, me happant de façon désagréable. J'en déduis qu'elle a pris un jour de repos et qu'elle va voir des amies. Elle est méconnaissable dans son chemisier ajusté sur sa forte poitrine. La plupart du temps, elle met des vêtements amples pour aller au bureau. Ce matin, son ventre commence à devenir visible.

Déjà cinq mois de grossesse.

— Je suis pressée, lui dis-je entre mes dents.

— Pas moi, me répond-elle en souriant.

Elle est bien moins belle que l'était maman.

Sa peau vire au rouge au moindre rayon de soleil, elle a d'ailleurs souvent des traces de lunettes lorsqu'ils partent tous les trois en virée le week-end. Elle n'est pas très grande, à peine cinq centimètres de plus que moi, et je mesure seulement un mètre soixante-cinq.

— Laisse-moi passer, je lui répète calmement.

L'étau se resserre. Je ne pense qu'à mon bus que je vais inévitablement rater.

— En retard même le jour de la rentrée. Je vois que tu prends déjà de bonnes habitudes.

Puisque je ne trouve rien à lui dire pour me défendre, elle poursuit avec une moue qui ride son visage.

— Ton père paie le lycée une fortune et regarde comme tu le remercies. Tu es toujours en retard, et ne parlons même pas de tes notes. Sale ingrate.

— C'est sûr que tu n'aides pas quand tu fais disparaître mes devoirs de mon bureau.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, nie-t-elle pour me faire enrager. Tu t'es bien amusée cet été, mais c'est fini tout ça. Tu vas rester coincée ici. Plus de job saisonnier. Tu avais l'air d'y tenir. Il y avait quoi de si spécial là-bas ? Des garçons ?

TROUBLEMAKER | 1 & 2 [Sous contrat d'édition chez BMR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant