La menace

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Omaha, Kensas
23 novembre 1985

En ce premier jour de week-end, la famille Byers était posée autour de la table de salle-à-manger, des cahiers de cours à perte de vue éparpillés dessus. Will et Eleven faisaient tranquillement leurs devoirs avant d'aller au cinéma revoir « Retour Vers Le Futur », comme cela était prévu depuis lundi, et ce, avec Jonathan et des voisins de leur âge, également amis.

Soudain, la sonnette de la porte retentit alors, faisant sursauter les deux ados, concentrés, les yeux fixés sur leurs bouquins de géométrie/algèbre, ouverts sur la page des factorisations.

En allant ouvrir, Joyce Byers découvrît Mme Campbell, apeuré et pâle derrière la porte, tremblante.

— Je suis désolée de vous déranger, dit-elle.
— Miléna ? Nous sommes samedi, non ? répond Joyce.

Eleven s'était levée, surprise d'entendre la voix de sa professeur.

— Miléna ! Cria Eleven, prenant cette dernière dans ses bras.

— Jane... je suis désolée.

Cette dernière fondit en larmes. Son cœur était lourd et brisé aujourd'hui, elle allait craquer. Les secrets sont souvent lourds à porter, c'est pour cela qu'il faut en parler - mais en quoi ses soucis personnels concernés son élève ?

— Désolée de quoi ? balbutia Jane, prenant les mains de Joyce. Pardon, mais qu'est-ce qui se passe ? Je ne comprends pas...

Miléna Campbell rentra dans la maison ordonnée sans demander son reste. Elle se posa dans le canapé, les yeux rougis par les larmes et ne sachant plus quoi faire ni dire.

— Il m'a juste manipulé.

Tremblante, cette dernière se cacha les yeux, honteuse de ce qu'elle allait révéler.

— Mais je veux t'aider. Je veux t'aider, je veux vous aider, c'est injuste, insista-t-elle.

— Oui, mais je ne v... bégaya Jane.

— Eleven... Tu ne comprends pas, coupa Mlle Campbell.

— Comment vous l'avez appelé ?! hurla Joyce.

Eleven beugua. Jamais, au grand jamais, quelqu'un l'avait appelé par ce prénom devant sa prof. Jane était le prénom officielle pour ceux ne sachant rien, bien que certains des amis de Will - qui pour certains sont également les siens - la surnommé « El » pour le diminutif de Elfe. Mais la jeune adolescente en était sûre : devant Mlle Campbell, il n'y a jamais eu ni diminutif, ni d'Eleven.

Miléna sortit alors une arme de sa veste, se leva et menaça la tribu qui recula automatiquement, presque d'instinct, jusqu'au mur du salon.

— Il faut que je te raconte mon histoire. Que je vous raconte, balbutia-t-elle.

Miléna commença alors un long monologue, l'arme toujours pointée sur la petite famille.

— Je suis née le 17 avril 1953 à San Diego. Trois jours après, un soi-disant médecin annonce à ma mère que j'ai une maladie du cœur : une cardiopathie congénitale. On me transfert dans un tout nouveau laboratoire qui fait des recherches sur cette maladie et qui pourrait me soigner, mais je ne survis apparemment pas. Je suis censée être morte le 23 avril 1953 à 11:34 au laboratoire d'Hawkins. Je ne me rappelle pas trop de ma vie avant mes 5 ans. Mais évidemment, ce dont je me rappelle d'après, c'est que je vivais dans une petite pièce froide, carrelée et insonorisée de bas en haut, avec pour seuls meubles : un lit, une table de nuit en bois blanc. Tout était blanc ou presque. On m'a longtemps donné des médicaments, j'ai jamais su pour quoi, ni pourquoi. Mais c'était une habitude, alors je les prenais. À un moment, je pensais que c'était pour mon cœur malade, comme j'en ai entendu des bribes.

À ces mots, Eleven ressentit exactement ce que la personne devant elle ressentait.

Le regard d'Eleven troublait Miléna, mais elle continuait en se donnant une certaine contenance.

— Un jour, reprit-elle, j'avais 7 ans et on m'a emmené dans une salle toujours aussi blanche, avec des jouets. Je me suis blessé avec un jouet pointu, j'étais sans surveillance et seule. Une grosse vague de sang coulait de mon bras, je ne m'étais pas du tout raté. J'ai posé ma main dessus, serrant comme un automatisme pour atténuer la douleur et arrêter le sang... quand j'ai retiré ma main, la plaie avait disparue. J'ai vu ce monsieur s'approcher de moi, la bouche ouverte forme de « o », me regardant comme si j'étais un monstre, ou une bête de foire. Le soir même, ce fou me blessait. Il me faisait mal pour voir si j'arrivais à guérir, comme le matin même. Il me hurlait dessus de me concentrer, des électrodes sur la tête...

La jeune femme soulève la manche de son gilet.

— Et puis il m'a énervée, j'avais mal... et j'ai réussi. Ainsi, ce soir là, je suis devenue 001. J'ai été son premier cobaye qui ait fonctionné. J'ai le pouvoir de me guérir et guérir les autres, car je peux ressentir leur douleur et me concentrer dessus pour faire disparaître la douleur et la plaie s'il y a.

Une larme coula des yeux de 001, qui commença à baisser lentement son arme...

— J'ai vu des autres enfants arriver par la suite, d'autres repartir. Et un jour j'ai eu 16 ans, il m'a adopté. Nous avions tissé un lien de confiance, j'avais confiance... ou du moins, je l'ai cru jusqu'ici.

— Attends, coupa Eleven, tu...

— Papa. Martin Brenner n'est pas mort, reprit la jeune blonde. Il a été enlevé par des Russes à la suite de l'expérience au collège d'Hawkins, quand tu as disparue. Quand je l'ai su, tu as déménagé, j'ai voulu reprendre son chemin, donc j'ai répondu à l'annonce de professeur, j'ai voulu m'immiscer pour avoir votre confiance. Mais il va te faire du mal, à toi et aux autres nombres. Et ça, je ne veux pas. Je serais là.

Miléna baissa son arme, fondant en larmes.

— Et... comment croire que ta volonté de nous aider est vraie ? questionna prudemment Will.

— Je peux le prouver.

La femme posa sa main sur l'épaule d'Eleven, ferma les yeux et son nez saigna. Dans la tête de l'adolescente, il se passait à 100 à l'heure ces dernières 48h dans la vie de sa professeure.

Eleven était terrorisée. Sa famille comprit. Tout recommençait. Encore...

La lueur de ses yeux | Stranger Things FFOù les histoires vivent. Découvrez maintenant