Chapitre 61

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Une atmosphère électrique plane dans la classe. Le cours commence dans quelques minutes, et on se dépêche de terminer Phil et moi notre PowerPoint pour notre exposé d'histoire.

On s'y était pourtant pris à l'avance mais on s'était rendu compte juste avant le cours que des diapositives avaient sauté.

Phil s'active nerveusement sur mon ordinateur afin de terminer ce fameux diaporama étant donné que le sien n'a plus de batterie.

Le prof rentre dans la classe, et je commence véritablement à paniquer.

— Dépêche Phil, on passe les premiers...! Je m'exclame.

— Je fais ce que je peux...! Mais ton logiciel n'est absolument pas intuitif contrairement à celui que j'ai.

Je fais signe à mon ami.

— Passe.

Je récupère mon ordinateur et termine les diapositives alors que le prof fait l'appel.

Sauf que le moment n'est pas illimité. Les noms des élèves du cours défilent à une vitesse folle, jusqu'à ce que la liste soit déjà terminée.

— Mademoiselle Devannes et Monsieur Ross, je peux savoir pourquoi vous n'êtes pas à mon bureau à brancher votre ordinateur pour projeter votre travail? Lance le prof sur un ton un peu trop dédaigneux à mon goût.

Parce que vous y êtes, imbécile.

Je n'aime pas ce prof. Il est juste insupportable.

Depuis les réflexions qu'il nous avait lancé, à Phil et à moi la dernière fois quand il nous avait rendu nos copies, je n'avais plus qu'un mauvais sentiment à son égard.

Je me lève alors et attrape mon ordinateur.

— On est prêt, je réplique alors d'une voix assez forte.

— Alors, hâtez-vous. Vous n'êtes pas les seuls à passer, je vous rappelle, rétorque le professeur.

Phil lève les yeux d'une façon insolente, mais assez discrètement pour que le prof ne l'aperçoive pas, et me rejoint, en replaçant correctement sa chemise blanche.

Je branche mon ordinateur au vidéo-projecteur afin d'afficher en grand notre diaporama terminé de justesse, les mains moites et le cœur encore battant d'avoir dû me dépêcher en aussi peu de temps de terminer notre travail.

— On vous écoute, insiste le prof, visiblement agacé qu'on aille pas aussi vite qu'il le désire.

On commence alors notre présentation. Phil est le premier à passer.

— Alors, bonjour. On va vous présenter Cynthia et moi un exposé sur la fondation du ministère de la démonologie.

Le prof se met au fond de la classe et commence immédiatement à prendre des notes sur ce que dis mon camarade, les sourcils bien froncés pour nous déstabiliser.

Raaaah...!

Ce prof est définitivement un connard.

Phil, comme à son habitude très fier, ne se laisse pas déstabiliser par l'attitude exécrable de l'examinateur.

— Donc, on est en en 1870, dans un contexte assez sombre. Il faut savoir qu'on brûlait au moyen âge les invocateurs de démons, ce qui fait que pendant des siècles, la peur de ces pratiques ont été largement diffusées au sein des populations. Mais à la moitié du dix-neuvième siècle, conjointement avec les progrès techniques qui se développent lors de la révolution industrielle, l'invocation démoniaque refait surface alors qu'elle avait disparue. Elle réapparaît notamment chez les ouvriers des grandes usines, qui, dans la volonté de rendre plus facile leurs conditions de travail insoutenables, voient en l'invocation la possibilité d'acquérir plus de force physique et mentale afin de surmonter leur journées de travail extrêmement pénibles. Mais, ça ne s'arrête pas là. Le phénomène de l'invocation finit par séduire peu à peu les membres de groupuscules qui ne désirent qu'une seule chose: s'enrichir par les moyens les plus sombres. La délinquance augmente alors exponentiellement du fait de l'invocation démoniaque qui les aide à obtenir ce qu'ils veulent, et le gouvernement n'a plus que le choix d'instaurer des lois, interdisant ces pratiques occultes. La nécessité de régulation de l'illicité devient une nécessité primordiale. Ainsi, les premières lois contre l'utilisation des invocations sont énoncées et entrent en constitution.

Je prends alors le relai.

— Il faut savoir qu'on est à une époque où bien qu'on ne brûle plus les personnes qui usent des sciences occultes, on continue d'arborer à leur égard un sentiment profond de crainte et de haine. Les plus grands invocateurs sont condamnés à mort et leur larbins enfermés dans des prisons pour le restant de leurs jours.

Soudain, j'entends dans la classe plusieurs inspirations d'étonnement et d'incompréhension. Je ne comprends pas tout d'abord pourquoi.

Je m'aperçois rapidement que c'est mon diaporama que tout le monde fixe, les yeux écarquillés.

Je fait volte-face pour vérifier ce qu'il se passe et me pétrifie d'effroi quand je me rends compte que la diapositive au tableau n'a rien à voir avec le contenu du cours.

Sur un fond rouge sang, deux mots en noir sont écrits, au centre.

« Dernier avertissement. »

Un dessin stylisé de serpent a été rajouté en dessous, signant le message.

Un immense frisson parcourt mon échine et j'entrouvre la bouche, paralysée, ne sachant quoi dire.

— Cyn', qu'est-ce que c'est? S'exclame Phil, un peu paniqué.

Je me précipite alors sur mon ordinateur pour quitter le diaporama.

Mais rien n'y fait.

Le logiciel reste bloqué sur cette diapositive inquiétante.

Et merde.

— Mademoiselle Devannes! Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il se passe? S'impatiente le prof, les sourcils froncés, non content de perdre davantage de temps pendant son cours.

Dans un élan de panique exacerbée, je décide d'éteindre de manière forcée mon ordinateur et baisse l'écran tout de suite après l'avoir débranché du vidéo-projecteur.

— C'est rien. Sûrement un ami qui a voulu me faire une blague, je réplique au prof, qui croise les bras, visiblement fortement agacé par cet imprévu.

Essoufflée, je tente de reprendre mes esprits. Tout le monde se met à chuchoter, le regard plein de jugement et de moqueries à mon égard.

Tant que ce n'est que ça, ça me va.

— Cyn'! Remets le diaporama...! M'interpelle Phil, nerveusement.

Je vois à son regard que cet imprévu le stresse, étant donné le regard accusateur que lance le prof à notre égard.

La note va s'en faire sentir.

— Ça suffit! On laisse tomber le diaporama: on va perdre trop de temps. Contentez-vous de votre texte pour continuer votre exposé, tonne sèchement le prof.

Un sentiment de soulagement se répand en moi. Je ne me voyais pas prendre le risque de rallumer mon ordinateur et de projeter à nouveau mon écran. Phil, à mon inverse semble dépité de devoir abandonner notre diaporama, comptant déjà sûrement combien  de point cet événement vient de nous faire perdre.

La suite de l'exposé se déroule sans autre imprévu mais je ne suis plus concentrée. Une inquiétude ronge douloureusement le creux de mon ventre.

Parce que j'ai compris ce que c'était.

Une menace d'Ezraël.

Celle de devoir faire tout ce qu'il désire avant qu'il utilise la manière forte.

A savoir, qu'on signe son contrat.

Il est de retour et il en démordra pas.

Une seule volonté me martèle le crâne: informer Saul de ce qu'il vient de se passer.

Les Veilleurs d'OslavalonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant