Chapitre 16

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     J'avais fait promettre à Rhen de ne rien dire de mon altercation avec Ciaran. Quand nous retrouvâmes tout le monde et que les questions plurent, je prétextai m'être perdue dans la foule. On me traita d'étourdie, de tête en l'air et père me demanda de faire plus attention à l'avenir avant de remercier Rhen de m'avoir ramené.

     Marietta, elle, ne semblait pas dupe. Elle me fixa longuement, son regard s'attardant sur les marques quasi invisibles sur mon cou avant de couler jusqu'à nos mains jointes. En retrouvant ma famille, je ne m'étais pas senti la force de lâcher Rhen. Peu m'importait les remarques que je risquais de recevoir, sans lui, j'étais certaine de m'effondrer. Il était le seul à me permettre de tenir debout, la bouée sans laquelle j'avais l'impression de sombrer dans la houle.

     Après la fin de la parade, nous rentrâmes, des étoiles pleins les yeux. Tout le monde s'était bien amusé et Liam n'arrêtait pas de s'extasier sur les trésors que lui avait acheté Vitali dans les stands éphémères, trésors qu'il ne manqua pas de me montrer dès notre entrée dans la voiture.

     Arrivée au manoir, j'étais épuisée et écoutai Liam de bonne grâce me raconter tout ce que j'avais manqué. Après l'avoir couché, je me dépêchai de me préparer à dormir. Ma migraine était revenue peu de temps avant notre retour et ne semblait pas vouloir s'en aller. J'avais l'impression que les jumelles expérimentaient de nouvelles explosions à même ma tête.

     Alors que je m'apprêtais à rejoindre ma chambre en baillant, je tombai sur Marietta sur le pas de sa porte. Pour une fois, elle était prête à aller se coucher et aucune de nos sœurs n'avait tardé.

     – Tu m'aides à me brosser les cheveux ? proposa-t-elle.

     Bien qu'épuisée, j'acceptai. Je lisais dans son regard qu'elle voulait me parler. Et ça ne semblait pas négociable. Je la suivis donc dans sa chambre. Une fois devant le miroir, j'attendis que commence l'interrogatoire, passant la brosse dans ses cheveux parfaitement démêlés.

     – Bien, commença Marietta. Maintenant que nous ne sommes que toutes les deux, est-ce que tu vas me dire la vérité ? Que t'est-il arrivé dans cette ruelle ?

     Je soupirai. Je n'avais aucune envie de faire semblant et je voyais bien que ma sœur n'accepterait pas mes excuses cette fois. Alors j'optai pour une demi-vérité.

     – Je me suis égarée et un sombre personnage m'a agressée.

     Marietta se décomposa.

     – Mais pourquoi n'as-tu rien dit ? demanda-t-elle paniquée en se levant d'un bond pour me faire face.

     – Précisément parce que je savais que tu réagirais ainsi et que je n'avais pas envie de t'inquiéter ou d'inquiéter quiconque d'autre.

     – Mais ces marques sur ton cou sont bien réelles, Adaline.

     Je passai une main sur ma gorge. Elle me brûlait encore un peu, mais Rhen avait dit vrai, on ne voyait quasiment plus rien à présent. Savoir que Marietta avait remarqué ces traces même dans l'obscurité ne m'étonna guère. Ma sœur avait toujours été attentive aux détails.

     – Rhen est intervenu à temps, expliquai-je simplement. Et je n'ai pas vu qui c'était, poursuivis-je alors que ma sœur allait riposter, il m'a attaqué par derrière.

     – Bon... fit Marietta penaude. Et, tu es bien sûre que ça va ? Il ne t'a rien fait d'autre ?

     Pour le moment, eus-je envie de répondre. Mais je m'abstins. Si Marietta savait... Je préférais ne pas y penser.

     Je secouai la tête.

     – Je suis juste fatiguée.

     – D'accord, dit-elle doucement.

     Marietta sembla vouloir me dire autre chose mais n'insista pas. À la place, elle me serra dans ses bras. Je lui rendis son étreinte, inspirant profondément son parfum d'automne. Nous restâmes ainsi un instant, puis nous nous écartâmes.

     – Bonne nuit, me sourit Marietta.

     – Bonne nuit, répondis-je en m'éloignant.

     En refermant la porte derrière moi, je me sentis coupable. Coupable de cacher tant de choses à ma famille, coupable d'inquiéter autant Marietta.

     Si seulement je ne lui avais rien dit...

     Un peu plus loin dans le couloir, je vis Rhen me faire signe. Caché dans une alcôve plongée dans l'ombre, il était quasiment invisible. En le rejoignant, je me demandai ce qu'il pouvait bien faire encore là ; tout le monde était déjà couché.

     – Calista est encore à tes trousses ? demandai-je en me frottant les yeux.

     – Non, je voulais juste te dire bonne nuit, sourit-il malicieusement.

     Et il m'attira à lui pour m'enlacer. J'en fus si surprise que je perdis l'équilibre et tombai dans ses bras. Quand je relevai les yeux, ce fus pour voir le sourire de Rhen. Il rayonnait. Je lui souris en retour et il m'embrassa sur le front.

     – Bonne nuit.

     – Bonne nuit...

     J'étais certaine d'avoir l'air d'une parfaite idiote énamourée avec ce sourire niais qui flottait sur mes lèvres. Mais je m'en fichais. Parce que les yeux de Rhen pétillaient en me regardant, parce qu'il me serrait tendrement dans ses bras et parce qu'il était resté juste pour me souhaiter une bonne nuit. Près de lui, j'oubliai presque la menace qui planait encore sur le manoir.

     Nous restâmes ainsi un moment, serré dans les bras l'un de l'autre.

     – Tu ne devais pas juste me dire bonne nuit ? fis-je avec malice.

     Un sourire timide étira ses lèvres et je vis ses joues se colorer.

     – Oui, mais, maintenant que je te tiens dans mes bras, je n'ai pas envie de te laisser.

     Je sentis mon cœur battre plus vite. Je souris à mon tour, déposant un baiser sur ses lèvres.

     – On devrait aller se coucher, fis-je doucement.

     – Juste encore un peu... murmura-t-il en plongeant le nez dans mon cou.

     J'eus un rire et passai ma main dans ses cheveux. Ils étaient encore plus doux que ce que j'avais imaginé.

     Après un instant, il se redressa et m'embrassa sur la tempe. Au moment de s'écarter, Rhen semblait incapable de me lâcher la main. Il lui fallut quelques longues secondes avant de parvenir à se détacher de moi et de retrouver l'escalier. À force de se retourner pour me regarder, il se prit les pieds dans les marches et trébucha, provoquant un éclat de rire de ma part. Je le vis rougir jusqu'à la racine avant de disparaître à l'étage.

     Quand je retrouvai ma chambre, je me sentis nettement plus légère. Et, dès l'instant où je fermai les paupières, confortablement installée dans mes couvertures, je m'endormis.



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Chapitre relu et corrigé

De Rêve et de CauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant