Chapitre 21

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     Au matin le lendemain, Vitali annonça qu'elle allait bientôt repartir. Les filles, loin d'être ravies, insistèrent fortement pour qu'elle prolonge sa visite de quelques jours, à grand renfort de cris et de larmes. Et, au bout de plusieurs longues heures de négociation, elles eurent gain de causes.

     Elles avaient toujours gain de cause.

     Je me réveillai tard ce matin-là. Liam était déjà parti. Exténuée par la soirée de la veille, je descendis les escaliers d'un pas traînant. Dans la salle à manger, je trouvai Marietta en train de finir de boire son thé, le journal du matin dans les mains.

     – Eh bien, c'est à cette heure que tu te lèves ?

     Je jetai un regard morne à l'horloge au-dessus de l'entrée. Il était un peu plus de onze heures. Je soupirai et me laissai tomber sur une chaise en face de ma sœur.

     – Liam n'a pas arrêté de bouger cette nuit. Je crois qu'il recommence à faire des cauchemars, dis-je en me frottant les yeux.

     Marietta délaissa tout de suite son journal pour me regarder, les sourcils froncés d'inquiétude. Gideon apparut alors et déposa une assiette de viennoiseries devant moi. Je le remerciai d'un sourire avant de boire d'une traite ma propre tasse de thé. J'avais l'impression de nager dans du coton.

     – Encore ? releva Marietta, la mine sombre. Je croyais que ça s'était calmé depuis...

     – Je le croyais aussi, marmonnai-je en croquant dans un croissant.

     Je détournai les yeux et regardai le reste de la tablée, vide.

     – Où sont-ils tous passés ?

     Marietta se replongea dans son journal et lança d'une voix légère :

     – Les jumelles ont enfin réussi à convaincre père de leur construire un atelier dans le jardin. Je crois que l'explosion de leur chambre a beaucoup joué en leur faveur. Vitali est partie en ville avec Rhen et Calista. Et Meryl est à la bibliothèque avec Liam, elle essaie de lui donner un cours de mathématique si j'ai bien compris.

     Je regardai par la fenêtre la neige tomber lentement. On aurait dit que les flocons valsaient entre eux.

     – Tu devrais te reposer aujourd'hui, me lança Marietta à brûle-pourpoint en me jetant un regard par-dessus son journal.

     – Mais qui s'occupera de Liam ?

     Sa tasse teinta sur sa coupelle.

     – Adaline, nous avons une gouvernante, fit-elle remarquer. Laisse Elora s'occuper un peu de Liam, tu passes ton temps à le couver.

     J'accusai le coup. Il était vrai que depuis sa naissance, j'avais pris l'habitude de m'occuper de lui. Il me faisait tellement penser à Rihite...

     Je grimaçai et croquai dans une nouvelle viennoiserie.

     – Tu peux parler, tu nous couves toutes, toi.

     – J'ai des circonstances atténuantes, me répondit Marietta avec légèreté. Plus sérieusement, fit-elle en plongeant un regard ambré plein d'inquiétude dans le mien, prends un peu de repos. On dirait que tu n'as pas dormi depuis plusieurs jours, tu en as besoin.

     Je soupirai, vaincue.

     – Très bien... mais dans ce cas, je me demande bien ce que je vais pouvoir faire de la journée.

     – Et si tu t'installais dans le petit salon du deuxième étage avec un bon livre ? Je suis sûre que Meryl serait ravie de t'en conseiller un. Même si, à la réflexion, je pense qu'elle finirait par te conseiller la totalité de la bibliothèque.

De Rêve et de CauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant