Chapitre 13

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     Une semaine avait passé depuis notre sortie en ville et Bellenuit était en effervescence. Ce soir serait la première nuit des Sélénites et tout le monde s'afférait à décorer le manoir de blanc et d'argent.

     Mme Corbyn avait terminé de préparer nos costumes pour la troisième nuit et venait de nous les livrer. Les jumelles avaient hurlé en découvrant leur tenue de lutin, sous les rires du reste de la famille et le sourire satisfait de Meryl. Père lui-même s'était amusé de leur réaction, félicitant ma sœur pour sa juste revanche.

     Pour ma part, je fus éblouie en découvrant mon costume. Mme Corbyn s'était surpassée. Si le croquis de Meryl m'avait semblé de toute beauté, la robe que je tenais entre mes mains était mille fois plus belle encore ! Je les en remerciai tant que Mme Corbyn arbora les mêmes joues roses que ma sœur. La fierté faisait briller leurs prunelles alors qu'elles se souriaient avec complicité.

     L'heure qui suivit ne fut ponctuée que de félicitations et d'exclamations ravies. Mais, lorsque Calista essaya son costume de Fée de l'Hiver et commença à défiler avec dans le salon bleu, je m'assombris.

     Depuis cette fameuse nuit, je n'arrêtais pas de penser à ce que j'avais fait, à cette chose que j'avais engendré et que j'avais failli déverser dans le rêve de ma sœur. Dès lors, je faisais mon possible pour éviter Calista comme Rhen, trop mal à l'aise pour ne serait-ce que croiser leur regard. La situation me rendait d'autant plus malade que Rhen semblait inquiet. Mais, à chaque fois qu'il essayait de me parler, je revoyais les images de ce rêve, je revoyais son regard énamouré, ses gestes si tendres... et j'en avais la nausée.

     Alors je me défilais.

     Et s'il n'y avait eu que ça... mais, depuis mon retour dans le monde physique et à chaque instant, il me semblait voir les ombres de Ciaran me poursuivre. Je ne comptais plus le nombre de papillon de nuit que j'avais pu croiser, même en plein jour et peu importe l'endroit. Je le savais m'observer, me suivre. Et j'attendais. J'attendais avec angoisse qu'il frappe, qu'il mette fin à ma vie, qu'il détruise mon corps, m'étouffe avec ses cauchemars.

     Mais rien ne se passait. Le Dieu des Cauchemars restait en retrait et je ne savais plus quoi penser. Qu'attendait-il ? Que voulait-il ? À force de me poser des questions, j'avais la sensation de devenir folle...

     Marietta, toujours aussi observatrice, avait remarqué mon trouble et tentait régulièrement de me faire parler. Mais j'étais bien en mal de lui avouer la vérité.

     Cet après-midi-là, profitant du fait que tout le monde fût occupé, je me glissai hors du manoir et courus à la falaise descendre l'escalier de pierre jusqu'à la plage. Là, face à la mer qui s'étendait à perte de vue, je sentis mon cœur s'alléger un peu.

     Cela faisait une semaine que la nausée ne semblait pas vouloir me quitter. Mon estomac ne cessait de se tordre dans tous les sens alors que, sur ma langue, je sentais encore le goût répugnant du cauchemar que j'avais fait naître. J'aurai voulu cracher, vomir, mais je savais que ça ne servirait à rien. J'avais déjà purgé le mauvais rêve de mon organisme, ce qu'il me restait n'était que des impressions et une culpabilité venimeuse qui me broyait les entrailles.

     – J'ai failli détruire son rêve...

     Je m'effondrai dans le sable. Le vent souffla sur mon visage, comme pour emporter mes larmes. Je ne savais même pas comment j'avais fait. D'où venait cette ombre que j'avais failli souffler ? Comment était-ce possible ? Comment avais-je pu faire une chose pareille ? Je n'étais qu'une passeuse de rêve, mon don se limitait à passer les portes d'Asling.

     N'est-ce pas ?

     Je ne savais plus quoi faire ni penser.

     – J'ai failli créer un monstre...

De Rêve et de CauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant