Chapitre 43

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     La nuit était tombée depuis un moment déjà mais je ne parvenais pas à dormir. Je soupirai et me levai. Dans le couloir, le silence était assourdissant. Je marchai jusqu'à la chambre de Liam et ouvris doucement la porte. En découvrant mon frère dormir paisiblement, j'eus un vague sourire et m'en allai.

     Incapable de retourner me coucher, je pris la direction du rez-de-chaussée. Peut-être qu'un verre de lait chaud m'aiderait à dormir.

     En descendant les escaliers, je songeai que j'aurais peut-être dû vérifier que personne ne faisait de cauchemar. Mais tout semblait si calme que j'y renonçai.

     Au bas des marches, je vis un papillon de nuit passer devant moi et se poser sur la rambarde. Je reconnu sans mal le sphinx à tête de mort de Ciaran et m'en détournai, marchant vers le grand salon d'où il venait.

     Là, dos à moi, je découvris le Dieu des Cauchemars observant une grande peinture représentant notre famille accrochée juste au-dessus de la cheminée. Je m'arrêtai à quelques mètres de lui, silencieuse. Je me souvenais encore de l'instant où père avait fait faire cette peinture. Une illusion, comme n'arrêtait pas de dire Meryl. Car mère avait insisté pour que le peintre ajoute Rihite derrière nous, comme si notre frère avait été là, comme s'il n'avait jamais été tué par un Immortel. Une illusion...

     – Je t'attendais.

     Je reportai un regard sur Ciaran. Sa voix était étrangement calme. J'aurais dû avoir peur, je suppose, pourtant seule une profonde apathie m'envahit. Je ne voulais pas l'affronter, pas à nouveau. J'étais fatiguée. Je voulais juste vivre en paix comme avant, retrouver la quiétude de mes nuits pleines de beaux rêves, loin des ténèbres de ces maudits cauchemars qui me rendaient malade.

     – Dis-moi, Adaline, poursuivit Ciaran en tournant légèrement la tête vers moi, qui dois-je encore tuer pour que tu me reviennes enfin ?

     De là où j'étais, je ne voyais pas ses yeux, cachés sous ses épaisses boucles noires. Le salon était en partie plongée dans l'obscurité, tant et si bien que je percevais à peine sa silhouette dans la pénombre.

     Je finis par soupirer.

     – Je suis lasse de ce jeu sordide, Ciaran, lançai-je platement.

     En entendant son nom prononcé, le dieu se raidit. Je le vis serrer les poings, sans doute serrait-il également les mâchoires.

     Au dehors, un corbeau croassa. Je pouvais entendre le frôlement de ses ailes et l'imaginais s'envoler dans la nuit, sombre présage. Allait-il craquer et me tuer à mon tour ? Jamais je ne serais sienne, je m'y refusais. Je ne pouvais pas, même après tout ce que j'avais découvert, c'était impossible. Et il le savait, j'étais certaine qu'il le savait.

     – Peut-être devrais-je tuer ce petit avorton dont tu t'es entiché ? proposa le dieu en se retournant. Qu'en dis-tu ? Devrais-je le réduire à néant comme ta sœur ?

     Je savais qu'il cherchait à me faire réagir, mais ça ne marcherait pas. Je savais trop de chose sur lui, sur son passé. Et j'étais si fatiguée... En le regardant dans les yeux, je ne vis que chagrin immense et supplications silencieuses. Il semblait tellement mal, tellement triste et seul. Il voulait tellement être aimé... et je compris alors qu'il ne voulait pas faire tout ça, il ne voulait pas me faire de mal, ni faire de mal à personne. Mais il le ferait, je le savais.

     – Vous ne lui ferez pas de mal, repris-je après un nouveau soupire.

     – Vraiment ? susurra-t-il l'air mauvais. Et pourquoi donc, délicieuse enfant ?

De Rêve et de CauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant