Chapitre 8

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« J'espère que c'était la dernière fois qu'on y allait, je déclare d'un coup alors que nous arrivons enfin à proximité du Nouveau Système.

- A la Société, tu veux dire ? demande Mac en se retournant vers moi.

- Oui.

- Pourquoi ça ?

- Parce que ça voudrait dire que tout va bien se passer, que nous survivrons tous, et que nous pourrons enfin nous construire une vie digne de ce nom. »

Mac ne répond rien. Il effleure mon genou de ses doigts, un sourire triste flottant sur ses lèvres. Son visage est la preuve que plus rien ne sera jamais comme avant. Ses joues sont creuses, la peau est blême. Il a l'air malade, épuisé. Un morceau de tissu recouvre la moitié de sa tête. Il dissimule son orbite vide, il montre que les miracles sont possibles. Nous sommes en vie, pour l'instant. Mac devrait être mort, je devrais probablement l'être aussi. Mais, pour l'instant, nous sommes là.

Tout ce que je veux, c'est qu'il y ait un « après » tout cela. Un « après » Acragas. Un « après » la guerre et ses souffrances. Un « après » du deuil de tous ceux que nous avons perdu jusqu'ici. Un « après », c'est tout ce que je demande.

La voiture s'arrête à l'extérieur du camp. Finch coupe le moteur.

« Terminus, tout le monde descend. »

C'est sa première tentative d'humour, sa première tentative de vie. L'envie de lui dire que Samia me manque aussi me brûle les lèvres. A la place, je sors de la voiture.

« Je vous rejoins plus tard, nous assure-t-il alors que Mac descends à son tour du véhicule.

- Alors nous t'attendrons pour dîner.

- A tout à l'heure Finch, je surenchéris. »

Un dernier signe de tête et nous nous éloignons.

La première chose que je remarque alors, c'est le silence. Un véritable silence serein qui s'étale sur tout le Système

La cité ne m'a jamais parue aussi calme. Au loin, nous entendons Acragas qui célèbre encore on ne sait quel obscure évènement. Ils cherchent à nous déstabiliser. Je les maudis intérieurement, pour ça, pour tout ça, pour tout ce qu'ils nous ont fait subir. Mais ce n'est pas terminé, et je compte bien leur faire payer.

« Qui veux-tu voir en premier ? je demande à Mac.

- On va voir Seth, répond-t-il pour mon plus grand soulagement. »

Mac glisse sa main dans la mienne. Nos doigts s'emmêlent et nous nous dirigeons du même pas cadencé vers l'infirmerie.

Lorsque nous arrivons, je suis à nouveau étonnée par le silence. Même à l'intérieur, les blessés sont calmes. Pas de cris, pas de pleurs, à peine quelques faibles plaintes. L'infirmerie ressemble à un Paradis ouaté. A l'entrée, un sentiment de panique s'empare de moi. Là, sur le lit de Seth, il y a une femme que je ne connais pas. Elle dort, son teint cireux n'est relevé que par les gouttes de sueur qui perlent sur son front. Je déglutis. Où est Seth ? Je continue à avancer dans l'infirmerie. Je fais attention à ne bousculer personne, j'enjambe les bras et les jambes qui dépassent des lits de camp. Ma progression est lente et l'angoisse ne fait que monter en moi. Quand je l'ai vu l'autre jour, avant de partir pour la Société, il allait bien. Je tente de me rassurer ainsi : Seth souriait, rigolait, il semblait plus en vie que jamais. Que lui est-il arrivé depuis cet instant ?

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